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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 15 septembre 2025

"interdit aux enfants et aux handicapés"

"Interdit aux enfants et aux handicapés"

Je croyais, sans doute naïvement, que depuis la ratification de la Convention des Droits de Personnes Handicapées, en France depuis la loi de 2005, ce genre de formulation d’interdiction était prohibé réglementairement et proscrit éthiquement. Et pourtant oui, en 2025, cette formulation est quasi utilisée : lors d’une de mes formations, une participante a rapporté l’avoir lue dans une notice d’utilisation d’un appareil électroménager (micro-ondes Toshiba). Ce n’est certes pas la formulation brutale qui fait le titre de cet article ; la formulation est euphémisée ainsi : « Cet appareil peut être utilisé par des enfants de moins de 8 ans ainsi que par des personnes ayant des capacités corporelles, sensorielles ou mentales restreintes … si elles sont surveillées ou formées sur l’utilisation sûre de l’appareil. » A son grand étonnement, et à celui de l’ensemble des participants à qui elle l’a rapporté. Etonnement, oui, certes, et même davantage. Mais comment peut-on expliquer qu’en 2025 cette formulation puisse encore être en usage ?

Il y a bien sûr des raisons, que l’on pourrait qualifier d’objectives, susceptibles de justifier de telles précautions : les garanties d’assurances sont peut-être plus contraignantes quand il s’agit de personnes handicapées, en raison des dangers dans lesquels elles pourraient se mettre ; peut-être même cette justification trouve-t-elle sa source dans des accidents qui ont été constatés. Il n’en demeure pas moins que cette interdiction met les personnes concernées en situation de ne pas pouvoir réaliser une activité pourtant vitale, celle de préparer des repas, comme tout un chacun. Il y a bien des populations qui courent des risques dans l’utilisation d’appareils électroménagers : les personnes qui ne savent pas lire, ou qui lisent mal, des populations en situation de précarité, des populations d’origine étrangère, des populations non familiarisées avec le numérique, etc. Mais ce ne sont pas ces populations-là qui sont mises en garde. Ce sont les populations de personnes handicapées, parce qu’elles peuvent être ciblées en tant que catégorie administrative. Cela choquerait si l’on voyait : « interdit aux vieux ! »

Ce qui apparait là, spécifiquement pour une catégorie de population, c’est le déni de tout risque, sous couvert de protection. Historiquement, c’est la protection qui a fait l’objet des politiques envers les personnes handicapées. Protection jusqu’à l’enfermement et l’absence de droits. Les institutions, les curatelles, l’absence de droits ont été institués « pour le bien » des personnes concernées, en raison de leurs incompétences présumées dans toutes sortes de domaines, des prétendus risques de mise en danger (de la part de la société ou d’eux-mêmes), de leurs supposées fragilités, etc. En réponse à toutes ces craintes, la protection était de mise, écartant au maximum toute prise de risque. Il est assez paradoxal qu’à l’heure où l’idéal typique de l’humain est l’initiative, la flexibilité, l’agilité, l’engagement, toutes marques de prises de risque (sans risque, l’humain est moins humain !), ce soit justement à des personnes handicapés que celui-ci est interdit.

Il n’est pas anodin non plus que la population des personnes en situation de handicap soit accolée à celle des enfants. C’est là aussi une caractéristique historique. Longtemps en effet, les personnes handicapées, en particulier celles qui présentaient des troubles du développement intellectuel, ont été considérées comme des humains peu ou pas « développés », avec une mentalité et des attitudes d’enfants, ce qui se confirmait par des assertions « scientifiques » du type : « âge mental de 8ans ». Les accoler dans une telle notice revient à mettre en avant leur ressemblance, leur proximité, et alimenter la représentation classique et les attitudes d’infantilisation. Les interactions sociales étant placées, instituées, sous le signe de cette proximité, c’est spontanément que s’instituent des rapports biaisés avec les personnes concernées, les attitudes de condescendance, de discriminations et de subordination. Les obstacles à l’égalité des droits et des positions se nichent partout.

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