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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 14 octobre 2025

MDH-PPH et SERAFIN-PH

MDH-PPH et SERAFIN-PH

MDH-PPH : Modèle de Développement Humaine – Processus de Production du Handicap. SERAFIN-PH : Services et Etablissements : Réforme pour une Adéquation des FINancements aux parcours de Personnes Handicapées.

Les formateurs sur le MDH-PPH ne manquent pas d’être interrogés sur la compatibilité du modèle et de sa nomenclature avec la mise en œuvre des dispositifs de SERAFIN-PH. Dans l’autre sens, les utilisateurs plus ou moins impliqués dans le déploiement de SERAFIN-PH s’interrogent sur l’opportunité de rendre compatible les nomenclatures avec l’approche du MDH-PPH. Et s’il s’agissait d’une vraie fausse question ?

Des écarts entre les deux approches / dispositifs / modèles, il n’en manque pas. Ne serait-ce qu’au niveau de la terminologie du titre, qui indique bien les intentions. Dans un cas il s’agit d’un modèle explicatif de développement humain, c’est-à-dire une prise en considération de ce qu’est l’être humain et son développement dans sa vie, et dont l’un des champs d’application est le handicap en tant de condition d’un développement spécifique. Dans l’autre, il s’agit d’une réforme des modalités de financements de l’action publique auprès de cette même population. Une approche anthropologique et développementale d’un côté, une approche économico-administrative de l’autre. Même si les deux avancent dans leurs références la préoccupation d’améliorer la qualité de vie des personnes concernées, les chemins pour y parvenir n’ont rien de comparable.

Les approches et les références du MDH-PPH et de SERAFIN-PH ne se situent pas sur le même registre. Le MDH-PPH a pour point d’ancrage le projet de vie de la personne, à travers le centrage sur le niveau de réalisation des habitudes de vie de la personne (habitudes de vie qui concernent autant des activités courantes que les rôles sociaux que peut tenir une personne). Le point d’ancrage est donc la réalisation des habitudes de vie, qui s’accomplit entre des situations de participation sociale et des situations de handicap. Les conditions d’accomplissement des habitudes de vie se situent dans les caractéristiques de l’environnement et dans les caractéristiques de la personne. SERAFIN-PH a pour point d’ancrage les besoins de la personne, auxquels vont répondre des prestations, définissant les personnes comme une somme de besoins consommateurs des ressources qui vont leur être fournies en conséquence. Le point d’ancrage tient donc davantage d’un projet d’accompagnement que d’un projet de vie, projet d’accompagnement qui laisse la porte ouverte à une projection professionnelle sur des besoins, par ailleurs définis en définitive comme un écart à une norme prédéterminée, qu’il s’agit de réduire.

En dehors de ces contradictions d’intentions, de finalités, et en définitive de philosophie (et de telles contradictions, il y en a d’autres…), qui se révèlent quand même fondamentales, il pourrait y avoir toutefois des ponts à établir entre MDH-PPH et SERAFIN-PH dans l’articulation projet de vie / projet d’accompagnement. Car SERAFIN-PH n’interroge pas le projet de vie de la personne. Or définir des besoins, à partir d’une nomenclature formatée, sans référence au projet de vie me semble être une démarche à contre-sens. Ce ne sont pas les réponses aux besoins qui constituent un projet de vie. Ce sont les vécus dans diverses habitudes de vie, l’insatisfaction ou la satisfaction dans leur réalisation, les difficultés à faire, etc. Ce que SERAFIN-PH nomme et définit comme besoins (parfois abusivement : par exemple, aller voter n’est pas un besoin, mais un droit), assignés à la personne peut éventuellement être des leviers d’une amélioration d’une habitude de vie, et par là de la qualité de vie. Mais SERAFIN-PH « oublie » les conditions environnementale (les besoins de l’environnement ?) qui « conditionnent » ces habitudes de vie. Ainsi le MDH-PPH peut-il définir le projet de vie, au service duquel la réponse aux besoins pourrait servir de levier opérationnel, en y incluant les changements de l’environnement.

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mercredi 8 octobre 2025

lecture : l'école inclusive, mythes et réalités

L'école inclusive - Mythes et réalités

Coord. par M. TOULLEC-THERY et F. LACROIX, Retz, 2024

L’heure est à la publication d’ouvrages identifiant, au sein même de l’école, des obstacles à la scolarisation des élèves en situation de handicap, ou plus généralement des élèves à besoins éducatifs particuliers (BEP). L’ouvrage Idées reçues sur le handicap (dir. E.Douat, H.Dupont et S.Vaqueiro, Le cavalier bleu 2024) s’attelait à cette tâche. L’ouvrage dirigé par Marie Toullec-Théry et Florence Lacroix vise le même objectif : identifier au sein du système éducatif des fonctionnements, des habitudes, des modèles, des « mythes », qui constituent des obstacles à l’accueil et à la scolarisation des élèves concernés. Il y a dans ces ouvrages un questionnement sur le fonctionnement institutionnel, celui-là même qui fait obstacle à l’objectif inclusif, et des propositions facilitatrices à cet objectif. Si l’ouvrage s’appuie sur des recherches académiques, il est bien ciblé sur les « utilisateurs » de l’école inclusive, en analysant des idées et des propos que l’on entend fréquemment dans la bouche d’enseignants (ou d’autres professionnels) et qui mettent des barrières à l’école inclusive.

mardi 30 septembre 2025

un écosystème qui produit du handicap

Un écosystème qui produit du handicap

La place et les fonctions des personnes dites handicapées ont été le plus souvent et longtemps déterminées en raison des effets de leurs caractéristiques personnelles sur le fonctionnement social. Elles étaient empêchées de participer à celui-ci en raison de leurs caractéristiques : le travail, l’école, la vie civique, l’espace public, leur étaient interdits en raison de leurs déficiences ou de leurs incapacités. L’approche sociale, postulant les causes de cet empêchement dans l’organisation sociale et dans l’environnement, a inversé la problématique de l’empêchement de participation sociale, et identifié par conséquent les causes du handicap dans le fonctionnement social (économique, politique, social, …).

lundi 22 septembre 2025

de la confusion dans les projets ?

 De la confusion dans les projets ?

Dans le domaine de l’accompagnement des personnes en situation de handicap, la notion et le terme de projet sont utilisés massivement. Le projet est né, légitime, de la préoccupation de se centrer sur les personnes concernées en termes d’organisation et de posture. Le projet instituait une rupture avec des pratiques qui, aussi attentives fussent-elles, ignoraient les avis et les besoins de personnes, centrées sur le fonctionnement institutionnel. C’est dans ces circonstances que sont apparus les projets d’accompagnement, de vie, de scolarisation, et d’autres, assortis le plus souvent des qualificatifs « individuel » ou « personnalisé » pour bien marquer le centrage sur la personne. Nul doute que si l’on mettait en regard les pratiques d’aujourd’hui avec celleS d’il y a quelques dizaines d’années (et même d’il y a 10 ans), l’on trouverait des changements fondamentaux. A cet égard l’utilisation du terme a tenu sa promesse : la personne est bien davantage écoutée, au centre de son (ses) projet(s), elle a davantage l’occasion d’exercer son autodétermination, ses droits fondamentaux sont davantage reconnus, elle est davantage un sujet qu’un objet de soin, de prestations ou d’organisation.

lundi 15 septembre 2025

"interdit aux enfants et aux handicapés"

"Interdit aux enfants et aux handicapés"

Je croyais, sans doute naïvement, que depuis la ratification de la Convention des Droits de Personnes Handicapées, en France depuis la loi de 2005, ce genre de formulation d’interdiction était prohibé réglementairement et proscrit éthiquement. Et pourtant oui, en 2025, cette formulation est quasi utilisée : lors d’une de mes formations, une participante a rapporté l’avoir lue dans une notice d’utilisation d’un appareil électroménager (micro-ondes Toshiba). Ce n’est certes pas la formulation brutale qui fait le titre de cet article ; la formulation est euphémisée ainsi : « Cet appareil peut être utilisé par des enfants de moins de 8 ans ainsi que par des personnes ayant des capacités corporelles, sensorielles ou mentales restreintes … si elles sont surveillées ou formées sur l’utilisation sûre de l’appareil. » A son grand étonnement, et à celui de l’ensemble des participants à qui elle l’a rapporté. Etonnement, oui, certes, et même davantage. Mais comment peut-on expliquer qu’en 2025 cette formulation puisse encore être en usage ?

lundi 1 septembre 2025

Handicap : entre production et impasse

Handicap : entre production et impasse

 Texte de la conférence donnée lors de la journée NEURO SHAKER Event, à VERNON,

organisée par EIM et Autypik, en introduction de la deuxième journée. VERNON, le 22 mars 2025

Il y a tous les ans, dans le sud de la France, un évènement remarquable : un TRIATHLON INCLUSIF. Celui-ci est organisé par l’association T’CAP, à l’initiative de Vivien Fontaine, président de So’In. Quand il m’a parlé pour la première fois d’un triathlon inclusif, ma réaction a été d’être incrédule : quand même, un triathlon, ça ne peut pas être fait pour tout le monde, ça ne peut pas être inclusif ! Parce que, un triathlon, si l’on prend les références olympiques, c’est 1,5 km de natation, 40 km de vélo et 10 km de course à pied. Si on se réfère à ces critères, c’est sûr qu’il n’y a pas grand monde à pouvoir le faire. Ce qui veut dire qu’un triathlon n’est pas un évènement inclusif.

Ce n’est pas un évènement inclusif tant qu’on considère que les normes établies, ici donc les normes olympiques, sont intangibles. Comment donc un évènement comme un triathlon peut-il devenir inclusif ?  Dans le triathlon inclusif qu’il organise, tout le monde peut y participer : des jeunes et des vieux, des personnes handicapées et des personnes valides, des personnes maigres, grosses, obèses, des garçons, des filles, des trans…

mardi 26 août 2025

autonomie versus assistanat

Autonomie versus assistanat

Et si l’autonomie de la personne (on pourrait aussi parler d’autodétermination, notion plus complexe et comprenant l’autonomie), pensée d’abord sur le registre qualitatif de condition fondamentale et enviable de la personne, se pervertissait en nouveau critère de séparatisme, de discrimination, et de domination ?  Et si la mesure de la valeur humaine se définissait aujourd’hui par le degré d’autonomie atteint pas les personnes, promouvant sur le devant de la scène celles qui la « possèdent » et reléguant celle qui n’en ont pas ou peu. La richesse (le capital économique et culturel) demeure un critère fondamental de distribution sociale, avec des phénomènes comme la discrimination, la relégation, les inégalités et l’injustice. Mais il pourrait s’y ajouter la « possession » et le degré de maitrise d’autonomie personnelle comme critère supplémentaire de distribution sociale. L’homme (plus souvent que la femme) qui réussit, et mérite de réussir, est celui qui maitrise des compétences d’autonomie lui permettant de se mouvoir en toute liberté dans le monde, de prendre des initiatives, de ne pas être soumis à certaines contingences, d’avoir et de prendre des responsabilités, celui qui agit selon des modalités souples, adaptées, flexibles, agiles…

vendredi 4 juillet 2025

différences et pathologies

Différences et pathologies

Aujourd’hui, on peut convenir que l’individu et les singularités sont reconnus comme un fait biologique autant que social. L’on est même, en certaines circonstances, valorisé à faire apparaitre ou voir ce qui constitue la singularité de chacun (originalité, modalités d’expression, innovation, invention) ; en même temps d’ailleurs que les normes se manifestent de plus en plus prégnantes (droit d’expression, obéissance). C’est dire que dans le temps où la singularité est valorisée, il faut le remarquer, il est des différences et des singularités qu’il ne fait pas bon de présenter. Les dernières évolutions aux USA marquent une violente négation des singularités de genre, d’ethnie, de race, d’opinions politiques.

mardi 24 juin 2025

ESAT : à combattre ou à défendre ?

ESAT : à combattre ou à défendre ?

La question est sujette à des polémiques consistantes et nourries. Pour nombre de personnes et d’acteurs (en premier lieu les personnes concernées), ils sont des éléments nécessaires au travail (ou à l’occupation) des personnes handicapées. Pour nombre d’autres (y compris des personnes concernées), et du point de vue des principes de droit, ils sont des institutions à supprimer. Les questions se posent donc avec acuité dans la perspective d’une évolution plus ou moins radicale des offres de service et de la désinstitutionnalisation pour faire valoir les droits des personnes en situation de handicap.

vendredi 6 juin 2025

le client est-il toujours roi ?

Le client est-il toujours roi ? 

Il y a parfois un amalgame ou une synonymie qui sont établis entre le fait de mettre la personne au centre des dispositifs d’accompagnement, et le fait d’être positionné comme client. Etre client, c’est, de ce point de vue, imposer au vendeur ou au prestataire des exigences propres à le satisfaire en tant que consommateur. C’est oublier un peu vite qu’être client, c’est aussi permettre au producteur de services ou de matériel, de vivre de ce type de transactions, ou mieux d’en tirer des profits. En réalité être client est un « argument », et « être au centre » c’est secondairement être au  centre des préoccupations du prestataire. C’est plutôt être l’objet ou le moyen de faire fonctionner un service, une entreprise, un dispositif, un marché en somme au profit du fournisseur, et de fait accessoirement au profit du client. Il s’agit d’une préoccupation marchande, dont le client peut tirer parfois, et même souvent, bénéfice s’il n’est pas dans la surconsommation à laquelle l’incite le marché, ou s’il n’est pas le simple et principal moyen d’augmenter le chiffre d’affaires et/ou les profits.

mercredi 28 mai 2025

résister au changement ?

Résister au changement ?

La résistance au changement est toujours, ou la plupart du temps, affectée d’une valeur négative. Résister au changement, cela va de soi dans certains discours, c’est indifféremment s’opposer au progrès, aux évolutions naturelles et « pragmatiques » de la société, c’est se satisfaire de la situation actuelle, pourtant insatisfaisante, c’est vouloir rester dans le passé, ne pas vouloir remettre en cause les acquis. Dans ce jugement concernant les positionnements sur les changements, il y a un implicite sinon un impensé : le changement est progrès. Ce qui est perçu par certains comme régression, retour en arrière, est perçu par d’autres comme une avancée, un état meilleur.

mardi 20 mai 2025

l'autonomie, gage du mérite

L'autonomie, gage du mérite

Dans « l’école d’avant », ce qui faisait ségrégation dans les parcours scolaires (organisation scolaire, contenus pédagogiques, modalités d’enseignement…), c’était la réussite ou l’échec dans ces parcours. Ceux-ci étaient déterminés à l’aune de l’accumulation de connaissances et leur restitution dans les règles de l’art, et plus généralement par ce que Pierre Bourdieu a qualifié de capital culturel. Le mérite consistait à réussir le parcours lorsque l’on ne disposait pas de ce capital culturel par positionnement social. La reproduction scolaire fonctionnait à plein, agrémentée dans ses marges par les résultats des plus méritants. Aujourd’hui, ce ne sont plus (ou moins) l’accumulation des connaissances et la culture, ni leur restitution dans les formes attendues qui comptent et qui ont de la valeur. Avec les évolutions politiques et sociétales, c’est désormais l’individu dans sa globalité qui compte, avec des références qui se sont imposées pour tous, à l’école et dans la société : autonomie, responsabilité, initiative, créativité, expression… L’école restant une machine de sélection et de tri, ainsi que de répartition sociale, on peut imaginer que ce sont de nouveaux critères qui vont permettre de faire ségrégation. Les savoir-être constituent peut-être aujourd’hui les critères du mérite scolaire.

lundi 5 mai 2025

démédicalisation et médicalisation

Démédicalisation et médicalisation

Il est bien loin le temps (plus d’un demi-siècle) où les premiers militants de la « Vie autonome » revendiquaient une démédicalisation des problématiques de handicap et de la vie des personnes handicapées. Certes les approches conceptuelles ont évolué, et les facteurs environnementaux ont fait irruption dans les explications des situations vécues par les personnes handicapées. De nombreuses recherches ont étayé ces approches. Les approches sociales et écosystémiques sont aujourd’hui reconnues et apparaissent comme s’étant substituées aux approches médicales et individuelles du handicap. Les débats et les politiques publiques se sont construits sur ces évolutions, en prenant également appui sur l’évolution de la considération de la place des personnes concernées, dont on trouve le cadre dans la déclaration des droits des personnes handicapées (Convention des droits des personnes handicapées, ONU) et dans de nombreux textes européens. On dispose donc aujourd’hui de nombreux outils pour examiner la question du handicap et les problématiques de vie des personnes handicapées d’un point de vue non médical, pour démédicaliser les questions et les problématiques.

mardi 29 avril 2025

"Personnes handicapées vieillissantes" : quelles approches conceptuelles ?

 "Personnes handicapées vieillissantes" : quelles approches conceptuelles ?

Texte publié dans la revue GEPSO Info Public, mars 2025, n° 136, p.11

Nul ne conteste aujourd’hui l’importance et l’urgence de la question des personnes handicapées vieillissantes, au regard de la croissance de la population concernée et de la carence actuelle des réponses. Cependant intituler ainsi cette question par la formulation « personnes handicapées vieillissantes » est susceptible de renvoyer à des conceptions ou des approches conceptuelles qui pourraient être des écueils à des réponses pertinentes.

Qu’une catégorisation de population soit nécessaire à des fins administratives, cela se conçoit. Mais dans la formulation, la catégorisation « handicapées » renvoie à une situation sociale de séparation, d’exclusion, de discrimination des personnes concernées, de la naissance à la mort. Les personnes handicapées en général n’ont pas leur place égale et entière dans notre société. Assigner les personnes qui rencontrent des situations de handicap, quelquefois depuis la naissance, à la catégorie sociale pérenne de « handicapés » risque de conforter le maintien dans une discrimination hiérarchique où elles n’auraient pas la même valeur que les valides. On peut d’ailleurs faire les mêmes constats quand il s’agit de la catégorie « vieillissantes », en particulier lors cette catégorisation concerne les personnes devenant dépendantes. Les réponses qui pourraient être apportées risquent de se conformer à la formulation catégorisante inégalitaire et être éloignées de toute transition inclusive.

Par ailleurs l’entrée des personnes handicapées dans la catégorie « vieillesse », surtout en ce qui concerne la perte d’indépendance, fait prendre le risque de ne percevoir les personnes concernées qu’à travers un prisme médical, au mieux médico-social (diagnostic, soins, traitements). Alors que l’approche conceptuelle du handicap émergeait lentement d’une approche bio-médicale (avec la convention des droits des personnes handicapées, ou les notions de condition handicapée de H-J Stiker ou de situation de handicap et de processus de production du handicap de P. Fougeyrollas), le rapprochement du handicap et du vieillissement risque d’accentuer les représentations de toutes les personnes rencontrant des situations de handicap comme des personnes relevant d’un traitement médical ou bio-médical, comme le sont encore aujourd’hui celles des personnes vieillissantes.

Il n’y a pas de formulation adéquate à la question posée. Mais la formulation adoptée renvoie peut-être à des approches conceptuelle qui méritent elles aussi d’être interrogées

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vendredi 25 avril 2025

Lecture : Idées reçues sur le handicap

Idées reçues sur le handicap
Dir : E. DOUAT, H. DUPONT, S. VAQUERO (Le Cavalier Bleu, 2024)

On croit toujours tout savoir sur le handicap. Ou ne pas en savoir assez. Il en est ainsi parfois de livres qui viennent confirmer ce que l’on sait, renforcer des idées peu assurées, mais aussi interroger sur certaines de nos certitudes et nos croyances, bousculer ce que l’on croyait savoir et ce dont on était assuré. Tel est le cas de cet ouvrage, délibérément, puisqu’il interroge sur des « idées reçues ». Et des idées reçues, ici spécifiquement dans le domaine du handicap, il y en a de nombreuses, partagées dans le grand public, mais aussi paradoxalement parmi les « spécialistes ». Les idées reçues ce sont ces choses qui se disent, se pensent, se répètent, se diffusent, sans que l’on y réfléchisse vraiment, et sans que l’on sache si elles sont « vraies ». Elles sont des évidences qui éliminent toute idée contraire, elles sont en définitive des instruments d’ignorance.

lundi 14 avril 2025

handicap et situations de handicap

Handicap et situations de handicap

J’avoue être un petit peu agacé de constater dans de nombreux discours (politiques, organisationnels, professionnels) la confusion quasi générale entretenue entre le terme « handicap » et les termes « situations de handicap ». Comme si ces derniers avaient remplacé le premier, sans en changer le sens, la signification. Symptôme peut-être d’une occultation de paradigme inchangés. Le handicap, et l’identification « handicapé » ou « personne handicapée », renvoient à plusieurs sens, qui d’ailleurs ont varié au fil du temps. Si on se réfère à la première classification des handicaps (OMS, 1981, classification dite de Wood), le handicap constitue un ensemble composé de maladies, déficiences, incapacités et désavantage social, catégories liées par une relation univoque de cause à effet. Cette premier conceptualisation fut contestée dès son apparition, et donna lieu à d’autres classifications : PPH, Processus de production du handicap, puis Modèle de développement humain – PPH  (1998, 2020, RIPPH) et CIF, Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (2001, OMS).

mercredi 9 avril 2025

Un triathlon peut-il être inclusif : une réponse avec le MDH-PPH

 Un triathlon peut-il être inclusif : une réponse avec le MDH-PPH

Ce texte est la rédaction d’une présentation webinaire du MDH-PPH à une équipe de professionnels (APPV, CRR Trisomie 21 Nouvelle Aquitaine, Dispositif Appui Ressource) en date du 18 mars 2025. Le webinaire comportait deux parties : la présentation du contexte et de la réalisation du Triathlon Inclusif (organisé par T’CAP à Nice) par Vivien FONTAINE, et la présentation de la « lecture » de cet évènement à la lumière du MDH-PPH. Ces éléments ont été publiés dans le revue en ligne Inclusion sociale, N° 11(lien)


Quand on (Vivien FONTAINE, Directeur-Fondateur So'IN & Président association T'CAP) m’a parlé pour la première fois d’un triathlon inclusif, mon premier réflexe a été d’être incrédule. Parce quand même, un triathlon, c’est quoi ? C’est une épreuve sportive qui exige des qualités assez exceptionnelles. Si on prend les références olympiques c’est : 1,5 km de natation, 40 km de cyclisme et 10 km de course à pied.  Une telle épreuve sportive ne peut pas être, par nature, inclusive, c’est-à-dire accepter tout le monde. Elle est au contraire et par nature excluante, car la majorité de la population ne peut pas réaliser cette activité. Un événement qui exclut la majorité de la population, ou même une minorité, ne peut pas être inclusif.

jeudi 3 avril 2025

Les enjeux d'une qualité choisie

Les enjeux d'une qualité choisie

Qui peut être contre la qualité ? Personne ! Tous les professionnels (et pas seulement les donneurs d’ordre et les dirigeants) du secteur médico-social, ou plus globalement du secteur du care, du soin ou de l’aide à la personne, sont préoccupés par la qualité de leur travail, de ce qu’ils font auprès des personnes accompagnées, et donc de la qualité de ce qui est reçu par les bénéficiaires ou les usagers. Ils ont même souvent des idées précises sur ce qu’est un travail de qualité. Et ils sont malheureux lorsque les conditions de travail dans lesquelles ils sont mis les font ressentir leur travail comme mal fait. Oui, certes, chez quelques professionnels, certaines de leurs pratiques professionnelles ne sont pas pertinentes, sont dépassées, certaines sont même à proscrire. Pour les faire évoluer, les professionnels disposent d’outils performants, comme par exemples des temps d’analyse de pratiques, ou encore les recommandations de bonnes pratiques professionnelles. A condition de pouvoir y réfléchir, d’y consacrer du temps, celui qui aujourd’hui est consacré à toutes les procédures de contrôles, reporting, tenue de dossiers, etc.

mardi 25 mars 2025

lecture : Enquête sur l'évaluation

Enquête sur l'évaluation dans les établissements sociaux et médico-sociaux

de L.FRAISSE, J-L. LAVILLE, M-C. HENRY et A. SALMON, érès, 2025

Voici un petit livre sur les nouvelles modalités d’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux, celles établies par un nouveau référentiel établi et publié par la HAS en 2022. Petit livre, mais lourd de questionnements et d’interrogations sur les modalités choisies dans ce référentiel, qui dorénavant s’applique à tous les établissements sociaux et médico-sociaux. Prévenons tout de suite ceux qui a priori vouent les critiques de l’évaluation aux flammes de l’enfer immobiliste ou passéiste. Les auteurs sont favorables au principe de l’évaluation, comme source d’amélioration de l’action, des pratiques, des connaissances, des compétences. Non, ce qu’ils interrogent, ce sont les modalités de réalisation des évaluations dans le cadre de ce reférentiel.

Le livre est divisé en cinq chapitres, chacun rédigé par un ou deux auteurs, abordant la question selon différentes entrés.

mardi 18 mars 2025

compensation, accessibilité et droits

Compensation, accessibilité et droits

Lorsque l’approche biomédicale individuelle (ou bio-psycho-médicale) était dominante, voire hégémonique, la reconnaissance d’une place aux personnes en situation de handicap était soumise à leur « réparation ». Les personnes handicapées pouvaient prétendre appartenir, à égalité ( ?) avec les autres, à l’humanité, sous conditions de surmonter, dépasser, neutraliser, nier, ce qui leur appartenait comme caractéristiques personnelles. Un Sourd de naissance n’accédait à la pleine humanité que s’il parvenait (à force d’équipements prothétiques et d’exercices) à entendre et surtout à parler (oralement). Une personne aveugle et peintre était admirable. Une déficience motrice pouvait être surmontée partiellement avec beaucoup d’efforts, jusqu’à la consécration des Jeux Paralympiques. Dans ce modèle de l’humain, le handicap appartenait à la personne, et c’était à celle-ci de se conformer au modèle et la norme valides, à tout le moins de s’y conformer au plus près, avec l’aide des compensations fournies : compensation matérielle et technique (fauteuils, prothèses par exemple), compensation développementale (éducation et rééducation, réadaptation) et compensation financière. Mais l’illusion technico-scientifique de la réduction de ces écarts par rapport à la norme participait des limites d’une telle approche quant à la place des personnes concernées dans la société.

mardi 11 mars 2025

professionnels : renverser le stigmate

Professionnels : renverser le stigmate

Dans les évolutions du travail social, et des secteurs médico-social et social, il y une volonté institutionnelle de dépasser le passé, de passer outre la culture qui s’était mise en place dans les accompagnements,  de minorer ou neutraliser les compétences des professionnels (le cœur du métier) du travail social. Il ne s’agit pas d’une volonté individuelle malfaisante, mais tout simplement de coller aux évolutions sociales et sociétales qui consistent à considérer que la réalité humaine est celle d’un marché, et qu’en conséquence ce qui compte, c’est l’efficacité, l’efficience (et pour le privé, le profit), dans le cadre d’une économie de ressources. Il s’agit d’évolutions politiques, économiques, idéologiques, qui sont devenues dominantes en ce début du XIXème siècle, et qui s’opposent à ce qui a fondé la culture des travailleurs sociaux depuis un demi-siècle. Dans cette configuration, les éducateurs, les assistant·es de service social et autres travailleurs sociaux, qui étaient titulaires de compétences professionnelles certifiées, se retrouvent « disqualifiés » face à des postures professionnelles attendues selon cette nouvelle idéologie. Leurs formations ne correspond plus à ce qu’attendent les politiques publiques et doivent être ajustées ; leur références et leurs pratiques non plus. Lorsque les évolutions des offres de service ne sont pas assez rapides aux yeux des décideurs, ils sont accusés de faire de la résistance, d’être nostalgiques du passé. Et l’on s’étonne que le secteur ait perdu le sens de son travail.

mardi 4 mars 2025

dispositifs intégratifs ou inclusifs ?

Dispositifs intégratifs ou inclusifs ?

Les impasses et les obstacles à la scolarisation inclusive des élèves handicapés seraient-ils à la hauteur de la diversification, de l’hétérogénéité et la multiplicité des « dispositifs » censés favoriser l’inclusion scolaire. En l’occurrence, ces dispositifs ont envahi le champ des offres de service et sont plus que jamais à l’ordre du jour. Certains de ces dispositifs sont relativement anciens : les ULIS, dispositifs de l’Education nationale, ont succédé aux CLIS (classes d’intégration scolaire) il y a déjà une quinzaine d’années. Mais il y a aussi de plus en plus de dispositifs de « sortie » ou « d’évitement » des institutions médico-sociales, mis le plus souvent en place dans le cadre d’un partenariat entre l’Education nationale et les organisations médico-sociales : UEE (unité d’enseignement externalisée), UEMA (unité d’enseignement maternelle autisme), UEEA (unité d’enseignement élémentaire autisme), DITEP (dispositif intégré des instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques), IME hors les murs, IME dans les écoles, inclusion inversée…

lundi 24 février 2025

si l'école était inclusive, faudrait-il des AESH ?

Si l'école était inclusive, faudrait-il des AESH ?

Question provocatrice bien évidemment  ! Car aujourd’hui, au regard du fonctionnement de l’école et des systèmes d’enseignement, les élèves en situation de handicap ne trouvent souvent pas de place dans les classes sans la présence d’un·e AESH : comportement problématique, manque d’autonomie, adaptation des contenus d’apprentissage, étayage de la communication, etc. constituent des écueils insurmontables pour nombre d’enseignants. Et dans ce registre, le travail des AESH est admirable, alors qu’iels ne bénéficient d’aucune reconnaissance sociale. Les AESH permettent que des enfants en situation de handicap soient présents dans les classes : sans eux·elles, les élèves concernés ne seraient pas scolarisés, resteraient à domicile (comme c’est encore partiellement le cas, faute d’AESH) ou seraient orientés vers des structures spécialisées. En leur absence, bien souvent l’élève handicapé ne peut être scolarisé, ou alors avec réticences, difficultés et sans adaptations.

lundi 17 février 2025

des complications de l'activité

Des complications de l'activité

Les différentes procédures qui ont cours dans le secteur médico-social (et ailleurs), et qui se sont copieusement répandues, s’avèrent de plus en plus « lourdes », compliquées plutôt que complexes, rébarbatives et pénibles : les évaluations des services, les procédures de qualité, les dossiers des usagers, les projets de toute nature, les réponses aux appels d’offre, le reporting d’activités, la formation, les algorithmes des besoins et des prestations, … et tant d’autres activités. Alors que le discours public martèle sa volonté de « simplification », on peut se demander pour  quelles véritables raisons toute l’activité sociale et professionnelle présente une telle complexité, ou plutôt de telles complications. On pourrait lire ces multiples processus et procédures, de plus en plus prégnants dans un environnement discursif d’autonomie et de responsabilité, comme des symptômes d’évolutions qu’il faudrait se garder d’ignorer.

mardi 4 février 2025

" Mais lui quand même, il ne peut pas être inclus !"

"Mais lui quand même, il ne peut pas être inclus !"

La question de la possibilité d’inclusion d’élèves handicapés dans les établissements scolaires se heurte toujours aux limites posées par des professionnels, que ce soient ceux de l’éducation nationale ou ceux de l’éducation dite spécialisée. Nombre de professionnels vont ainsi répondre : «  oui, mais avec le jeune que j’accompagne ce n’est pas possible », ou « oui, ça va avec beaucoup d’élèves handicapés, mais avec celui-là non ce n’est pas possible ». Autrement dit, pour une partie de la population concernée, celle vraisemblablement la plus proche de la population accueillie à l’école, cela est possible ; pour les autres non. C’est proprement la caractéristique des dispositifs d’intégration qui se sont mis en place avant que l’on ne s’inspire des principes de l’inclusion, ou plutôt de l’école inclusive. Diverses limites sont évoquées, dans l’école et chez les accompagnants : les écarts de niveaux, les troubles de comportement, la souffrance vécue… Toutes choses « vraies » et observables.