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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 14 novembre 2025

situations de handicap, revenons-y

Situations de handicap : revenons-y !

Ça y est ! La formule « situation de handicap » est devenue monnaie courante pour désigner et qualifier les personnes ayant des déficiences, des maladies, des incapacités, des troubles… On pourrait en déduire que le modèle explicatif du handicap a évolué, qu’il y a eu un changement de paradigme, passant d’une approche individuelle, biomédicale, centrée sur la personne, à une approche écosystémique d’un rapport entre les caractéristiques personnelles et les caractéristiques de l’environnement. Penser « situations de handicap » ce serait postuler que « le handicap » n’est pas attribuable à la personne en raisons de ses caractéristiques personnelles, mais vient de, et est produit par l’inadéquation entre les conditions environnementales et la personne.

Mais malheureusement, comme écrit plus haut, la formule désigne et qualifie le plus souvent la personne, et pas la situation. Certes, elle remplace avantageusement la formulation antérieure de personne déficiente, ou de personne avec des incapacités, ou de personne handicapée. Mais ce faisant, le paradigme ne change pas : l’explication du handicap se trouve dans la personne, dans la « nature » de la personne, et ne qualifie nullement le résultat insatisfaisant de l’interaction entre la personne et son environnement. Cette représentation trouve une illustration exemplaire dans les formulations fréquentes de « situation de handicap intellectuel », « situation de handicap sensoriel », etc. Le glissement sémantique n’a pas opéré, de toute évidence, de glissement de représentation ou de conception. Bien au contraire, on peut ainsi se satisfaire de ce glissement sémantique, pour donner l’illusion d’un changement conceptuel.

Donc « situations de handicap », revenons-y ! Une situation n’est pas une personne, comme le laissent entendre les qualifications (in)capacitaires accolées à la formulation. Une situation de vie se compose d’activités diverses, personnelles et sociales, qui inscrivent la personne dans son environnement proche ou moins proche. Elle est « produite » dans l’interaction entre une personne et l’environnement dans lequel elle vit. Elle peut se caractériser par sa réalisation satisfaisante pour la personne (situation de participation sociale) ou par sa moins bonne réalisation (situation de non participation sociale ou situation de handicap). Autrement dit, chacun a une multitude d’habitudes de vie, dont certaines sont réalisées de manière satisfaisante, et d’autres moins bien réalisées. Prenons l’exemple d’une habitude de vie comme : exercer une activité professionnelle, ou avoir un emploi. Lorsque cette habitude de vie est réalisée, la personne est en situation de participation sociale. Mais elle peut ne pas pouvoir être réalisée, pour différentes raisons : j’ai 72 ans, et cela ne s’applique pas à moi ; j’habite dans une région sinistrée économiquement et il n’y a pas d’emplois ; à 62 ans, les entreprises ne veulent pas m’embaucher ; j’ai des incapacités et les entreprises préfèrent embaucher des travailleurs plus performants…etc. Dans ce dernier cas, je suis en situation de handicap en ce qui concerne le travail. Je suis en situation de handicap en raison du manque de travail.

La formule « situation de handicap » reste désespérément attachée aux caractéristiques déficitaires de la personne. La formulation est plus longue, mais serait plus juste : une situation de handicap pourrait être : une production en lien avec une altération des fonctions (sensorielles, motrices, intellectuelles, mentales…) dans un environnement non adapté à la personne concernée et à ses caractéristiques. Le jour où l’on verra des formulations comme situation de handicap dans le travail, situation de handicap à l’école, situation de handicap pour sa vie domestique, etc, de préférence à situation de handicap intellectuel ou autre, il est vraisemblable que l’on pourra en déduire que l’on aura fait un grand pas dans le changement de modèle conceptuel concernant les personnes handicapées, et leur place dans la société. 

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