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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 10 octobre 2018

"on n'est pas une école"

"On n'est pas une école"

« On n’est pas une école » entend-on parfois, et même trop souvent, dans les établissements et services spécialisés du secteur médico-social scolarisant ou accompagnant la scolarisation de jeunes sourds. Et cette assertion, on peut l’entendre tant dans le discours institutionnel que dans les propos de certains des professionnels.

Du point de vue du discours institutionnel, le discours se justifierait sur le fait que les organisations soient hors de la tutelle de l’éducation nationale, mais sous la tutelle du ministère de la Santé (et des solidarités aujourd’hui) à travers la responsabilité qu’en ont les ARS. Les établissements et services pour jeunes sourds sont dans une situation particulière à l’égard de cette problématique. Autant nombre d’établissements spécialisés pour enfants handicapés n’avaient pas pour préoccupation la scolarisation (celle-ci n’est venue que petit à petit), autant les établissements pour jeunes sourds (et jeunes aveugles) avaient cette préoccupation dès leur origine il y a deux siècles et demi. Les établissements pour jeunes sourds étaient des écoles, et les professionnels qui y travaillaient des spécialistes experts de l’enseignement aux jeunes sourds.

La prise de distance institutionnelle mise dans le propos cité tient dans ces conditions à une volonté de sortir la question de la seule problématique scolaire, impensable dans le contexte d’une organisation médico-sociale. Il s’agirait en quelque sorte d’affirmer que la surdité est bien dans le champ du soin, de la rééducation, de l’éducation spécialisée, comme le légitime l’appartenance des organisations au champ médico-social, financé par l’Assurance maladie, sous tutelle des ARS. Dans ce contexte, il y aurait contradiction à affirmer être une école, champ de l’éducation nationale.

La question de la tutelle ou du rattachement des établissements pour jeunes sourds n’est pas nouvelle. Déjà en 1794, la question fut soulevée dans un débat entre le « Comité des secours et des hospices » et le « Comité de l’instruction publique » pour savoir lequel de ces deux comités aurait la responsabilité de la prise en charge/éducation des jeunes sourds. C’est le premier qui emporta la mise, et encore en 2018, une partie de la scolarisation des jeunes sourds est sous la tutelle d’une institution héritière du comité des secours et hospices, à savoir le secrétariat aux personnes handicapées, qui, même s’il est rattaché depuis 2017 aux services du premier ministre (et c’est là un progrès) est toujours sous tutelle du ministère des solidarités et de la santé.

Il s’avère en tout cas que ce propos identifie, pour des raisons institutionnelles ou professionnelles, la surdité à un domaine de soin et de rééducation, et les jeunes sourds en objets de soin et de rééducation, en « concurrence » avec une approche qui positionnerait la surdité comme une des spécificités humaines, avec une langue et une culture propres qui demanderaient à être développées dans la cadre d’une scolarisation à laquelle ont droit tous les élèves. Le maintien dans le secteur médico-social autorise à continuer à penser la situation des jeunes sourds dans une perspective toujours défectologique.


La question pourtant devrait se poser autrement aujourd’hui, c’est-à-dire en termes de droits à l’éducation et à la participation sociale dans les environnements de tous. Autrement dit, quand bien même l’établissement médico-social n’est pas une école, la scolarisation constitue un élément essentiel et primordial de la participation sociale et du développement des jeunes sourds.

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