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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 5 octobre 2018

"les sourds, c'est pas pareil"

"Les sourds, c'est pas pareil !"


Les sourds font partie des personnes handicapées : c’est une évidence pour le sens commun comme pour les politiques sociales et médico-sociales. Mais il importe de se méfier des évidences. Les personnes sourdes elles-mêmes ne s’identifient pas comme personnes handicapées : « Les sourds, c’est pas pareil ! ». Cette restriction posée par les premières personnes concernées par le problème mérite d’interroger l’évidence de l’appartenance des personnes sourdes à la catégorie des personnes handicapées.

Les catégories bénéficiaires des politiques sociales (ou de santé) ont fait l’objet d’une construction idéologique historique. C’est ainsi que le regroupement sous la catégorie handicap a concerné des populations qui à l’origine n’avaient rien à voir entre elles, faisaient partie de catégories différentes : les victimes de maladies, d’accidents, les blessés de guerre, les personnes avec déficiences à la naissances ou acquises, etc. La catégorisation trace une frontière, excluant de la catégorie d’autres personnes : c’est ainsi par exemple que la France n’a pas retenu la notion de handicap social.

C’est ainsi que les sourds, en particulier à l’origine les enfants sourds à éduquer, en raison de l’existence d’une particularité physique (une déficience auditive) et de ses conséquences sur l’accès au langage courant, ont fait partie de la catégorie « handicapés ». Avec tous les avantages auxquels donne droit le statut, mais aussi avec toutes les représentations, le plus souvent négatives, rattachées au statut. Ils ont fait partie de la catégorie « handicapé », et non de la catégorie « minorité linguistique » par exemple.

Alors oui, « les sourds, c’est pas pareil ! ». Car s’il y a lieu d’utiliser cette expression, ce n’est pas tant pour se distinguer des autres catégories de personnes handicapées, c’est surtout pour pointer l’injustice qu’il y a à mettre dans une catégorie générale des personnes qui se situent sur un autre registre.

Non pas que les sourds ne rencontrent pas de situation de handicap : le monde majoritaire n’est pas adapté à eux, et ils rencontrent par conséquent des difficultés à avoir une participation sociale satisfaisante. La caractérisation des personnes sourdes par leur déficience est le fait de « l’idéologie » déficitaire qui place la frontière de la normalité sur l’intégrité des organes et des fonctionnements physiques ou psychiques. C’est par conséquent les conditions sociales de reconnaissance des personnes sourdes qui les placent dans la catégorie des handicapés. D’autres personnes tout aussi exclues de la société (les migrants, les SDF,…) ne font pas partie de cette catégorie, n’ont pas le statut de personnes handicapées.

Les sourds ont eu la chance de pouvoir se construire une identité positive (langue des signes, culture sourde) qu’ils considèrent comme faisant partie de la diversité humaine ; s’il y a handicap, c’est parce que la société ne reconnait pas cette identité.

Cette revendication se heurte aux impératifs gestionnaires et organisationnels en ce qui concerne l’accès aux droits. Pour bénéficier des droits (compensation, ressources, accessibilité, éducation, travail…), les sourds sont contraints de s’adresser comme toutes les personnes handicapées, à la MDPH pour faire reconnaitre leur handicap. Ils sont contraints de s’identifier comme handicapés alors qu’ils revendiquent le contraire. Bien évidemment, cette démarche est nécessaire, mais du point de vue de la technologie politique, pas du point de vue des personnes.

Le « les sourds, c’est pas pareil » nous convie à dépasser les effets d’une catégorisation d’un ensemble de population, où, pour avoir le plus petit dénominateur commun, on ignore et dénie les particularités.

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