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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 19 octobre 2018

donner plus à ceux qui ont plus...

Donner plus à ceux qui ont plus...


Des enseignants spécialisés viennent me faire part des besoins d’enseignement spécialisé (c’est-à-dire du travail qu’ils vont fournir) qu’ils ont évalué pour des jeunes sourds au collège. Ces jeunes sourds constituaient deux groupes ; le premier groupe comportait quatre jeunes sourds complètement inclus dans une classe du collège, accompagnés sur toutes les heures de cours par des enseignants spécialisés ou des interfaces en langue des signes ; le second groupe, comprenant cinq élèves ayant davantage de difficultés dans les apprentissages et du retard scolaire par rapport aux élèves de leur âge, bénéficiait d’un enseignement spécialisé en petit groupe pour l’essentiel des cours, sauf en arts plastiques et en éducation physique et sportive, où ils étaient inclus, et accompagnés, dans une classe du collège.

Il était envisagé pour les premiers les 8h30 de mathématiques, sciences et technologie du programme, auxquelles s’ajoutaient 1h30 de soutien spécialisé sur ces disciplines, en dehors de la classe, soit un total de 10h00. Pour les seconds, qui n’étaient pas inclus dans ces disciplines en raison de leur niveau et de leurs difficultés d’apprentissage, il était proposé pour cet ensemble de disciplines seulement 7h00.

A mon étonnement d’une telle différence de traitement, il me fut répondu que les élèves du premier groupe, comparativement aux élèves entendants avec lesquels ils avaient cours, avaient davantage de difficultés de concentration, d’apprentissage, de mémorisation, de fatigabilité, et qu’il fallait par conséquent leur donner une compensation sous forme de soutien. Et que les seconds, avaient davantage de difficultés de concentration, d’apprentissage, de mémorisation, de fatigabilité que les premiers, et qu’il fallait par conséquent les ménager et leur enlever des heures. Il fallait donc en donner plus à ceux qui avaient plus, et donner moins à ceux qui avaient moins, les ressources disponibles étant contraintes.

L’idée d’égalité face au droit à l’enseignement aurait pourtant dû conduire à une autre répartition, assortie certainement d’une modification des pratiques pédagogiques pour construire des conditions motivantes pour ceux qui n’étaient pas d’emblée dans les apprentissages souhaités. Imagine-t-on donner plus d’heures à des élèves sages et obéissants d’une école sans problèmes et enlever des heures ou des maîtres à une école de ZEP ou avec des élèves agités, non « scolaires », se concentrant difficilement ? Imagine-t-on donner plus d’heures à des filles appliquées aux apprentissages scolaires (représentation a priori) et moins d’heures à des garçons plus agités ou distraits ?

A la question de répartition des moyens, lorsque ceux-ci sont contraints, et lorsque les besoins sont évalués en fonction des représentations et des principes a priori (handicap = difficultés ; handicapé = plus de temps ; difficultés = réduction des apprentissages), on en arrive à ce paradoxe que les aides sont fléchées sur ceux qui en auraient le moins besoin. Davantage en raison de l’intérêt que présentent ces « meilleurs » élèves à des enseignants (c’est toujours plus difficile d’enseigner à des élèves qui présentent des difficultés) que de la préoccupation éthique de répartition des ressources. Et on en arrive donc à privilégier ceux qui ont plus. Sous de pseudo-arguments de générosité : il serait dommageable de pénaliser les jeunes sourds (qui sont censés par principe mettre plus de temps à comprendre) en ne les soutenant pas au-delà des heures de cours dont bénéficient les autres élèves.

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