Réussir l'école inclusive en partenariat avec les parents, l'Education nationale et les structures médico-sociales.
L'exemple de la scolarisation de collégiens sourds ou malentendants
de Patrice GALLE, L'harmattan, 2017
Extrait de la présentation : "Pas de scolarisation des élèves en situation de handicap sans collaboration étroite entre les partenaires. A travers l'exemple de la scolarisation de collégiens sourds ou malentendants, cet ouvrage interroge les conditions d'un partenariat effectif entre les collégiens, leurs familles, les collèges et les structures médico-sociale. Cette modalité collaborative contribue au développement des pratiques inclusives dans la mesure où elle permet de créer des passerelles entre les acteurs, clé de voûte de la réussite des projets de scolarisation des élèves en situation de handicap."
Cet ouvrage, issu d’une thèse de doctorat sous la direction
de Charles Gardou, présente une réalité, celle de la collaboration entre des
institutions et des professionnels à l’origine éloigné·e·s les un·e·s des
autres. Il interroge toutes les questions que pose le partenariat dans la
déconstruction des frontières de longue date établies. Il met en avant
également les enjeux et les conditions de réussite (ou non) du partenariat dans
la perspective de développer les pratiques inclusives dans lesquelles sont
engagées, parfois contre leur gré, les acteurs de l’Education nationale ou des
structures médico-sociales.
Si le travail de Patrice Galle a porté spécifiquement sur des jeunes sourds ou malentendants en collège, ses observations, ses hypothèses, ses conclusions et ses préconisations vont bien au-delà de cette seule population, mais s’adressent à tous les acteurs des pratiques inclusives, aux différents niveaux de scolarité dans l’Education nationale et avec des populations dont les situations de handicap sont d’origines diverses.
Malgré quelques réserves mises sur le contexte et les
dynamiques partenariales, Patrice Galle fait le pari « que la logique partenariale, contribuant à
l’établissement des passerelles entre les acteurs, est opérante pour le
développement des pratiques inclusives. » Il avance l’idée que le
partenariat est un opérateur doté d’une certaine efficience dans la mise en
place de l’accueil des enfants handicapés au collège, au risque de laisser
penser que cette seule « modalité » constitue la clé des changements
nécessaires à la dynamique inclusive.
Pour toutes les raisons qu’il présente, il est certain que
le partenariat est un opérateur favorisant cette dynamique. Mais dans le partenariat
et autour du partenariat, il y a aussi des facteurs favorisant le statu quo ou
les résistances aux pratiques inclusives. Comme l’auteur le montre à quelques
reprises, dans le partenariat, on peut agir ensemble pour faire autre chose que
ce à quoi est théoriquement destiné le partenariat. Ce partenariat autour
d’élèves handicapés peut servir à conforter les répartitions immuables de
compétences, de savoirs et d’expertises des différents professionnels de
l’Education nationale et du secteur médico-social. « S’il y a des experts
en handicap, dit l’Education nationale, c’est que je ne suis pas fait pour m’en
occuper. » « Si je suis expert en handicap, dit le secteur
médico-social, c’est que l’école n’est pas capable de s’en occuper. » Le
partenariat favorise aussi, à l’insu de la conscience qu’en ont les acteurs, l’immobilisme
des places et des fonctionnements.
A défaut d’interroger cette problématique, à travers
l’interrogation éthique et politique de la finalité de la modalité
partenariale, la partenariat risque de laisser les choses en l’état, ou ne
pourra modifier la situation inclusive que de manière minimale, dans ses marges,
sans changement de fond, pourtant nécessaire dans les évolutions des pratiques
inclusives. Entre une Education nationale bien encombrée par l’accueil de ces
élèves en situation de handicap et un secteur médico-social qui s’en satisfait
parce que c’est ce qui le fait vivre, le partenariat peut ne pas être
l’opérateur sur lequel parie Patrice Galle.
Le partenariat est-il un opérateur essentiel de changement
pour des pratiques inclusives ou/et le changement de représentations est-il le
facteur de changements de pratiques, dont la pratique du partenariat ?
Autrement posée, la question est : faut-il partir du partenariat pour
aller vers le changement, ou partir du changement pour instaurer ou améliorer
le partenariat ? La réponse est vraisemblablement oui pour les deux questions,
afin de garantir un processus dynamique dans les pratiques inclusives.
Merci pour ce texte qui apporte une réflexion supplémentaire à cette question complexe de la mise en place des modalités collaboratives entre les partenaires de la scolarisation des élèves en situation de handicap.
RépondreSupprimerPermettez-moi quelques remarques à propos de votre contribution :
Tout d’abord, il est important de mentionner que le partenariat n’est qu’un moyen et pas le seul pour favoriser le développement des pratiques inclusives. Cet ouvrage n’est pas un livre généraliste qui fait le tour de cette problématique. En effet, la démarche de recherche nécessite de porter un focus précis et resserré sur le phénomène étudié. Par conséquent, le chercheur doit trouver un concept opérant pour définir ce qu’il va observer. Travaillant sur les relations entre les acteurs de la scolarisation des élèves sourds et malentendants, il m’a semblé que le partenariat pouvait être le concept fondateur de cette recherche. J’ai donc étudié les facteurs bloquant et facilitant la mise en place de cette modalité collaborative. Le système fonctionne quand chacun exerce les compétences pour lesquelles il est repéré. Cette recherche montre que la fusion de toutes les compétences, quand il n’y a qu’un seul opérateur, n’est pas opérante. Quand un acteur mène des actions qui ne sont pas sur son territoire de compétences, les résultats de l’action sont jugés mitigés. Il est plutôt nécessaire ďobjectiver les représentations et de communiquer sur les territoires de compétences de chaque intervenant.
Vous écrivez : « ce partenariat autour d’élèves handicapés peut servir à conforter les répartitions immuables de compétences, de savoirs et d’expertises des différents professionnels de l’Education nationale et du secteur médico-social. » Je partage votre point de vue sur les immuabilités que vous constatez. Alors, si chacun reste sur ses représentations, il me semble qu’il ne s’agit pas de partenariat. Il peut être question de concertation ou de coopération. Ces situations arrivent souvent quand il n’y a pas de rencontre entre les acteurs. En effet, le partenariat produit d’autres effets que son propre objet. La recherche montre que les pratiques partenariales produisent un changement des représentations, par la rencontre entre les différents intervenants. Ces modifications s’effectuent au regard d’un problème repéré. Les immuabilités corporatistes que vous décrivez s’estompent un peu quand il s’agit de résoudre un problème dans la quotidienneté des accompagnements.
Vous stipulez que le partenariat peut modifier à la marge l’évolution des pratiques inclusives. L’histoire de l’accompagnement des élèves en situation de handicap montre que les évolutions dans ce domaine sont lentes et partent souvent de la périphérie. Les nouvelles lois, les nouvelles idées mettent beaucoup de temps à irriguer les pratiques. Aussi, j’ai la faiblesse de croire que bouger les immuabilités passe d’abord par des petites choses, que dans ce secteur, les révolutions n’existent pas. Cet ouvrage, qui se veut avant tout pragmatique, essaye de donner une vision volontariste des dynamiques inclusives.
Patrice Galle