A quoi sert la LSF ?
La Langue des Signes Française (LSF), après avoir fait
l’objet d’une opposition radicale et virulente, allant jusqu’à son interdiction
dans l’éducation des enfants sourds pendant des décennies, a été en quelque
sorte réhabilitée, mais avec lenteur et modération, en particulier dans les
lieux traditionnels d’éducation des jeunes sourds, établissements
médico-sociaux et dispositifs de L’Education nationale. Si l’on a vu depuis une
trentaine d’années des évolutions significatives, la plupart à l’initiative des
sourds eux-mêmes et de leurs amis, il n’en reste pas moins que l’éducation des
jeunes sourds fait l’objet d’enjeux tels que le plein droit de l’existence et
de l’utilisation de la LSF est loin d’être atteint. En témoigne l’idéologie qui
préside au dépistage précoce systématique, à l’inflation implantatoire
présentée comme guérison d’une maladie/déficience, ou encore le principe de
l’intégration (à ne pas confondre avec l’inclusion) individuelle.
Mais la LSF est le plus souvent restée davantage un moyen de
compensation qu’un moyen d’accessibilité, la compensation étant ce qui rattrape
l’écart entre une personne et la norme, l’accessibilité étant ce qui permet
d’adapter l’environnement à tous. Lorsque la LSF reste cantonnée à la
facilitation de la communication, elle reste un moyen de compensation. Et même
si elle le permet en tant qu’effet ou conséquence, elle n’est pas positionnée
comme instance créatrice de maîtrise de l’information (comprendre et
s’exprimer) et de la structuration de la pensée (en l’occurrence pour un jeune
enfant, la « naissance » de la pensée et son développement). De
nombreuses pratiques attestent encore des limites implicites et inconscientes
que les professionnels mettent à la LSF.
Ainsi dans nombre de lieux d’éducation utilisant la LSF, la
langue signée utilisée est une langue « réduite », adaptée par des
enseignants spécialisés qui font l’hypothèse qu’une langue des signes
« normale » ne leur sera pas accessible. Ainsi encore, un enfant
sourd éduqué dans la langue orale, mais sans toute l’efficacité espérée, sera
diagnostiqué « dysphasique » lorsque les difficultés iront
croissantes, quand c’est le défaut de la pratique d’une langue visuelle performante
qui pourrait être interrogée. Ou encore quand il s’agira de privilégier les
« soins » en motricité plutôt que le développement global (avec la
communication) d’un jeune présentant une déficience motrice et auditive.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire