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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 26 janvier 2018

Alicia, ou l'impossible réussite

Alicia, ou l'impossible réussite

Je rencontre les parents d’Alicia, jeune fille sourde de 14 ans, venus me raconter comment se passait la scolarité de leur fille dans le lycée français de la capitale d’un grand pays d’Afrique. Depuis deux, Alicia suivait son parcours de scolarisation en 6ième puis en 5ième dans le collège de cet établissement scolaire. Au regard des bulletins scolaires que les parents me présentent, et des propos qu’ils tiennent sur la scolarité de leur fille, il apparait que la scolarité et les apprentissages se déroulent de manière satisfaisante. Les parents me font part toutefois de leur préoccupation du niveau de leur fille en français, en particulier dans la production écrite (structure de phrases, vocabulaire…). Rien qui ne m’étonne au regard de ce que l’on peut connaitre des difficultés que peuvent rencontrer des élèves sourds. Alicia est accompagnée par un « aidant » (les AESH n’existaient pas dans l’organisation scolaire des lycées à l’étranger) qui intervient dans la répétition orale de ce que disent les professeurs en classe, ainsi que dans quelques explications complémentaires pendant les cours.

Cette jeune fille, je l’avais connue précédemment, lorsqu’elle sortait de l’école élémentaire, où elle était scolarisée au sein d’un CLIS et que ses parents me sollicitaient pour une orientation en collège au sein d’une unité d’enseignement. Au regard de ses compétences scolaires, l’équipe pédagogique spécialisée de l’unité d’enseignement de l’établissement spécialisé avait préconisé une affectation dans un dispositif d’adaptation, sans inclusion dans les cours d’une classe de 6ième du collège (sauf pour les cours d’EPS et d’Arts plastiques). Le programme de cette classe spécialisée adaptée se rapprochait de celui d’une 6ième SEGPA.

A l’issue d’une année passée dans cette 6ième adaptée, les parents ayant eu leur mutation à l’étranger, se pose la question de la modalité de scolarisation d’Alicia dans ce collège-lycée français, sans classe spécialisée. L’équipe pédagogique spécialisée fit le pronostic d’un échec assuré et inéluctable dans l’hypothèse d’une scolarisation en classe ordinaire, même si Alicia pouvait bénéficier d’un aidant sur la totalité des heures de cours. Mais il n’y avait pas le choix, et les parents inscrivirent leur jeune fille au collège, en 6ième malgré ses deux ans de « retard », cherchèrent (et trouvèrent) des aides humaines individualisées.

Et deux ans plus tard, il s’avérait que ce n’était pas l’échec avéré que prédisaient les professionnels spécialisés. Sans doute, lorsque je rencontrai les parents, tout ne fut pas dit, et il est vraisemblable que certaines lacunes d’apprentissage n’apparaissaient pas dans les bulletins scolaires. Mais toujours est-il que la scolarisation d’Alicia dans un collège « ordinaire » n’était pas une anomalie, et Alicia semblait effectivement tirer profit de ce à quoi elle était confrontée pendant les cours, tant sur le plan des apprentissages que de la vie sociale.


On assiste là à une réaction fréquent de professionnels spécialisés : leur manque de confiance dans les capacités des jeunes en situation de handicap dont ils ont la responsabilité, et le manque de confiance dans les capacités de l’enseignement ordinaire à trouver des solutions aux problèmes pédagogiques qu’il rencontre dans l’accueil des élèves en situation de handicap. On peut se rendre compte dans le même temps que si Alicia était restée dans le dispositif spécialisé adapté, elle n’aurait jamais pu faire les apprentissages qu’elle fit dans le cadre du collège ordinaire.

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