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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 8 janvier 2018

continuité du parcours et rupture du regard

Continuité du parcours et rupture du regard

Dans le registre des bonnes pratiques professionnelles du secteur médico-social, la continuité du parcours (versus les ruptures de parcours) et la liaison entre équipes  et professionnels sont des préoccupations récurrentes. Cela se conçoit aisément pour des parcours de soin. Il vaut mieux en effet éviter, lorsqu’un patient change d’établissement ou de service, qu’on ne refasse diagnostic, examens et traitements. Il le vaut mieux en effet tant sur le plan de la santé du patient que du point de vue économique.


A l’image de cette injonction dans le domaine du soin, les bonnes pratiques sont semblables dans le secteur médico-social pour les usagers. C’est oublier un peu vite que les usagers ne sont pas des patients et de malades, et que cette préconisation ou injonction n’est pas toujours pertinente, sauf à considérer que la situation de handicap se réduit à la déficience et à son traitement.

Clara est une jeune fille sourde scolarisée dans une classe de 5ième en collège, avec d’autres élèves sourds et accompagnée par un service médico-social (accessibilité en langue des signes). Lors d’une rencontre avec ses parents pour échanger sur la rentrée suivante et élaborer les objectifs du projet personnalisé de scolarisation, sont évoquées ses « difficultés » en mathématiques : « Clara fait globalement les acquisitions de 5ième comme en témoigne son bulletin scolaire ; elle a des notes tout à fait convenables, mais ses bases (apprentissages de l’école élémentaire) sont fragiles et incomplètes ; il serait nécessaire qu’elle ait une rééducation en logico-mathématique. » Les parents réagirent vivement : « Mais arrêtez avec ça ! Depuis l’école primaire, on nous dit et on lui dit qu’elle a des difficultés en maths, Maintenant ça l’angoisse, les maths la terrorisent, chaque fois qu’on lui parle de maths, ça la stresse ; alors qu’elle a de bonnes notes en 5ième et que son professeur nous dit que c’est tout à fait correct pour la 5ième ! »

Clara, dans la continuité de son parcours entre l’élémentaire et le collège avait apporté son héritage, transmis à tous les professionnels : elle avait des difficultés en maths ! Ce que réclamaient là ses parents, et sans doute elle-même, c’était le droit à la rupture du regard que les professionnels portaient sur elle, alimenté par l’exigence de continuité ; c’était le droit à un regard neuf de la part des professionnels qui travaillaient avec elle depuis le collège, sans porter les attributs dont les précédents professionnels l’avaient qualifiée.

La continuité des parcours a comme implicite la continuité de la manière de voir les personnes, sans laisser lieu en définitive à la possibilité de rencontre, et de découverte que permet toute nouvelle rencontre. C’est comme si au regard de nouveaux professionnels, ce qui était important ce n’était pas cette jeune fille qui devenait collégienne, avec ses nouvelles richesses et ses nouvelles difficultés, mais la manière dont des précédents professionnels voyaient cette personne.


L’idée de continuité de parcours est encore vraisemblablement trop attachée à celui d’un patient ou d’un malade et fait passer en arrière-plan la nécessité de la rupture de regard, indispensable lorsqu’il s’agit des conditions d’accompagnement d’un usager (d’une personne) basées sur les conditions de la construction d’une rencontre.

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