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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 26 juin 2023

controverses sur les situations de handicap

Controverses sur les situations de handicap

L’expression « situation de handicap » s’est banalisée, et est désormais utilisée presque systématiquement pour désigner un signifié sur lequel il n’y pourtant pas toujours d’accord. Il ne s’agit pas d’un nouvel euphémisme pour évoquer de manière moins brutale les vécus des personnes qui ont des déficiences ou des incapacités ; elle nomme un changement de paradigme de pensée concernant les personnes concernées. Mais ce nouveau paradigme disparait le plus souvent derrière une utilisation pour le moins imprécise et tronquée de l’expression. L’expression désigne, dans les faits, la plupart du temps, ce que désignait auparavant l’expression « personne handicapée » ou le mot « handicapé ». L’utilisation généralisée de l’expression témoigne, me semble-t-il, d’une incompréhension radicale de ce qui constitue une situation de handicap.

Les évolutions conceptuelles et paradigmatiques attendues avec l’évolution du vocabulaire ne se sont pas produites. La notion de situation de handicap est pensée comme handicap d’une personne et non, comme l’avancent les approches écosystémiques, comme le résultat d’une interaction entre les caractéristiques d’une personne et les caractéristiques de l’environnement. Une personne ayant une déficience et/ou des incapacités motrices va se retrouver en situation de handicap devant un escalier, mais pas en situation de handicap devant un plan incliné. La notion de situation s’applique à l’activité déplacement, pas à la personne ni à l’environnement. En nommant une « situation de handicap moteur », on oublie, on oblitère et le facteur environnemental, et le facteur interaction entre la personne et l’environnement, constitutive d’une situation de handicap, pour n’attribuer le handicap (ici reformulé situation de handicap) à la personne et à ses caractéristiques déficitaires.

Une grande fédération nationale décline ainsi son acronyme : Fédération pour l’inclusion des personnes en situation de handicap sensoriel et DYS en France. Manifestement, on peut s’en étonner : une grande fédération, informée des évolutions conceptuelles internationales et des politiques publiques, se satisfait d’une évolution « sémantique », sans prendre en considération les changements de paradigme, en témoigne le rajout du qualificatif sensoriel à l’expression situation de handicap (le qualificatif étant au masculin, on peut accorder qu’il qualifie le handicap). Mais c’est là quand même assigner le « problème » au déficit sensoriel et à la personne concernée. Une personne sourde, parce que sourde, n’est pas pour autant en tant que telle en « situation de handicap sensoriel » : on ne peut pas la qualifier ainsi lorsqu’elle reçoit à dîner des amis sourds signants par exemple, ou lorsqu’elle bénéficie d’un interprète en LSF lors d’une réunion de travail. La caractéristique sensorielle existe pourtant. La personne va se trouver dans des situations de handicap en l’absence d’interprète, en l’absence de sous-titrage d’un film, ou en l’absence d’indications écrites dans les transports en commun. C’est-à-dire dans des situations de vie : travail, loisirs, déplacements, etc. La situation de handicap qualifie dans cette configuration le rapport entre une personne et un environnement, et pas seulement les caractéristiques sensorielles (déficitaires) de la personne.

Le nouveau discours ne fait que, et sert à, masquer la reproduction et la pérennisation d’lune conception en définitive bio-neuro-psycho-médicale (et un peu sociale) des situations vécues par les personnes en situation de handicap, en situant toujours l’origine, la cause et les attributs des situations vécues dans les caractéristiques (déficitaires) des personnes, l’environnement n’étant là au mieux que comme contexte faisant émerger les difficultés des personnes. La formulation rabat vers les personnes concernées la responsabilité des leurs difficultés ou impossibilités, et dispense implicitement l’environnement et la société des changements (radicaux) nécessaires à la considération d’une véritable place des personnes concernées dans la société.

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