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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 12 juin 2023

l'autonomie dans la servitude ?

L'autonomie dans la servitude ?

Une personne soumise (la servitude volontaire dirait E. de la Boétie) pourrait-elle penser et agir en faveur de la liberté (la sienne et celle des autres) ? Sauf mensonge ou hypocrisie, non ! De la même manière, une personne non autonome dans sa vie ou dans sa fonction professionnelle ne peut pas agir en faveur de l’autonomie (la sienne ou celle des autres). Une des conditions requises, en effet, de mise en œuvre de tels principes (liberté, autonomie, accès à des droits, empowerment, etc.) est bien une certaine conformité, une concordance, entre ce qui est visé, l’objectif professionnel programmé, et la manière d’être (le savoir-être, la posture, l’attitude, les conditions d’exercice) personnelle et professionnelle. On ne peut valoriser quelqu’un que si l’on est soi-même valorisé ; on ne peut aider à l’autonomie de quelqu’un que si l’on est soi-même autonome ; on ne peut ambitionner d’agir au développement du pouvoir d’agir de personnes ou de groupes que si l’on dispose ou développe pour soi-même son pouvoir d’agir et ses marges de manœuvre, et qu’on est en mesure de l’exercer. Ce sont là d’apparentes évidences.

Qu’on ne retrouve pour autant pas dans l’exercice des situations professionnelles dans le secteur médico-social. En effet, le fonctionnement et l’organisation des services, et donc des interventions des professionnels, se font aujourd’hui selon des critères qui n’ont plus grand-chose à voir avec ceux d’avant et du « cœur des métiers ». Ils ont plutôt à voir avec des critères pilotés par des principes économiques, inspirés du fonctionnement des entreprises privées, conçus comme seuls modèles à suivre, et du « new management public », biberonné aux mêmes sources. Les préoccupations de résultats, de productivité, d’efficience ou d’efficacité, de rentabilité, de changement permanent pour favoriser la flexibilité, les contraintes de réalisation (de tout acte) sous conditions, …, qui ont conduit les organisations à la mise en place de procédures de contrôle standardisées auxquelles les professionnels n’ont d’autres solutions que de se soumettre. Le reporting, les codages d’activité, les nomenclatures, la multiplication d’écrits…, sont censés attester du contrôle de l’effectuation de l’activité professionnelle (toujours finalisé au « bien » de l’usager et à l’amélioration de la situation), sans prendre en compte les à-côtés, pourtant incontournables, de la relation d’accompagnement. L’objectif de l’organisation avec de tels objectifs en sous-main ne laisse pas beaucoup ni d’autonomie, ni d’empowerment, ni de créativité professionnelle. Les objectifs professionnels sont soumis aux objectifs de l’organisation : une des conditions de perte de sens au travail.

Non seulement les organisations font obstacle à l’initiative et aux marges de manœuvre professionnelles, mais les professionnels sont en outre dépossédés de leurs compétences professionnelles par des injonctions (formulées sous forme de recommandations qui par le jeu organisationnel deviennent des injonctions) de bonnes pratiques dans tous les domaines où ils ont à intervenir. Il y a certes d’intéressant « conseils » dans la littérature prolixe de ces recommandations. Mais elles se substituent autoritairement aux savoirs initiaux et aux savoirs d’expérience des professionnels, considérés dans ce cadre comme non pertinents (personne n’en tient compte), sans valeur par rapport aux directions et administrations. Les recommandations sont toutes focalisées sur l’autonomie et la prise en compte de la personne (usager), en privant les professionnels accompagnants des mêmes qualités et principes d’action , leur laissant la seule liberté et autonomie d’appliquer simplement et « bêtement » les recommandations. « Just do it », mais sans penser !

Il y a là, dans ces évolutions, un pilotage technocratique où des experts (de l’économie, du management, des politiques publiques), du haut de leur savoir, imposent des organisations et des pratiques contradictoires avec les ambitions et objectifs affichés : ceux-ci ne sont pas tenables avec des professionnels éloignés, quant à eux, de ce pour quoi ils devraient agir.

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