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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 17 avril 2023

Ecole inclusive : un nouvel acte manqué ?

 Ecole inclusive : un nouvel acte manqué ?

Un « arrêté du 28 mars 2023 relatif au diplôme d’état du Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement des jeunes sourds » (CAPEJS) modifie les conditions et contenus de formation et la certification du diplôme, accompagné d’une très longue annexe sur le référentiel métier. Quoi de plus naturel que d’ainsi modifier un diplôme pour accompagner les changements de pratiques.

Mais à examiner les choses de près, on ne peut manquer de s’étonner de l’inscription de ces modifications dans le contexte actuel. En effet, à l’heure de l’école inclusive, inscrite comme règle et comme objectif politiques et sociétaux, confirmer l’existence d’un diplôme spécialisé d’enseignement, sous signature des services de la Cohésion sociale qui plus est, semble quelque peu anachronique et manquer de cohérence. Quand tous les discours politiques clament l’objectif et la volonté inclusives, en dépit certes de tous les actes manqués témoignant de nombreuses pratiques inverses, pourquoi un diplôme d’enseignement hors du champ du système éducatif pour tous, héritier d’une éducation spécialisée bicentenaire, qui placé les enfants sourds et aveugles hors du champ de l’éducation pour tous, et les en a soustrait ? Certes à certaines époques de l’histoire, cette éducation fut un bénéfice certain pour les élèves concernés, exclus de toute façon de l’éducation dite ordinaire. Mais la question se pose légitimement à l’heure de l’éducation inclusive.

On retrouve dans ce choix politique, en dehors peut-être de jeux de pouvoirs et d’intérêts le légitimant et le pérennisant, une idée fondamentale contraire à l’inclusion et aux principes intangibles des droits humains, retraduits en ce qui concerne les enfants en situation de handicap dans la Convention des droits des personnes handicapées (ONU, 2006). Dans cette disposition en effet, les enfants sourds sont considérés comme ne relevant pas de la même pédagogie que les autres enfants, et qu’il leur est requis d’avoir des enseignants qui soient adaptés à leur forme de développement cognitif, intellectuel, langagier, affectif, social, etc…, et ceci indépendamment de toute problématique de langue. En l’occurrence, ce ne sont pas les choix linguistiques qui constituent la pédagogie spécialisée. Comme il y avait une pédagogie spécialisée pour les filles au XIXe siècle, pour les handicapés au XXe siècle, y aura-t-il une pédagogie spécialisée pour les sourds au XXIe siècle ? Que les sourds aient besoin d’une langue appropriée (langue de signes, ou français complété codé) pour apprendre et penser, n’en fait pas une pédagogie spécialisée. Il n’y pas besoin de pédagogie spécialisée pour enseigner en langue espagnole ou bambara !

Bien évidemment, la longue liste du référentiel d’activités comporte des actions en direction du milieu ordinaire, pour favoriser l’inclusion, dans le cadre d’une collaboration attendue comme efficiente entre l’Education nationale et le médico-social. Difficile de tenir officiellement un autre discours. Mais comment penser que l’on peut favoriser l’inclusion en partant d’un point de vue ségrégatif, instauré par le caractère spécialisé de la pensée et de la pratique des professionnels concernés ?

Un tel texte réglementaire n’est pas une reconnaissance de différences (dans la langue, la culture, le mode d’appréhension du monde), encore moins une reconnaissance de la diversité des élèves pouvant constituer une classe. Il est le signe d’une ségrégation pédagogique et politique, ne permettant d’ailleurs même pas que les Sourds fassent communauté (construction identitaire). La perspective inclusive serait, non de réformer le CAPEJS, mais de donner aux enseignants du système éducatif dit ordinaire les moyens d’accueillir en qualité de tels élèves (interprétariat, codage, formation, enseignants « spécialisés » de l’EN…) c’est-à-dire de supprimer le CAPEJS.

Finalement, cette réforme n’est vraisemblablement pas un acte manqué au regard d’une dynamique inclusive. Elle est plutôt un acte institutionnel de résistance à la dynamique inclusive de l’école.

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