Transformer l'offre sans transformer la société ?
La loi de 2005 sur les personnes handicapées, laquelle est toujours d’actualité, est faite au bénéfice des personnes concernées, mais dans le même temps à destination des institutions (fermées ou ouvertes), incitant celles-ci à des évolutions importantes au profit des personnes qu’elles accompagnent. Dans cette perspective, la loi se prolongera quelques années plus tard par une réforme de l’offre de service et une réforme des financements adéquats (SERAFIN-PH). Mais la loi en question, ainsi que ses prolongements, se cantonne à se focaliser sur les personnes en situation de handicap et sur les organisations qui en ont la charge. Elle ne s’atttaque pas, ou alors à la marge, par quelques mesures ciblées et prudentes d’accessibilité, aux réformes et aux évolutions structurelles, sociétales, de la société, qui pourraient pourtant être une clé d’entrée d’un fonctionnement inclusif. Elle limite le problème à une question des effets subis par le handicap, pas aux causes des situations de handicap que vivent les personnes concernées.
Ainsi, dans l’école, on peut convenir qu’un certain nombre
d’aménagements sont désormais possibles et indiqués (un gros travail a été fait
depuis de nombreuses années sur les aménagements d’examens par exemple). Et
cependant, on constate dans le même temps que l’école ne devient pas inclusive,
que de nombreux élèves sont encore refusés dans les classes, ou acceptés sous
conditions de la présence d’un·e AESH, ou relégués dans des dispositifs
spécialisés comme les ULIS. En effet, tant que l’école aura une fonction
sélective en séparant les futures élites des autres (par différents moyens
structurels d’organisation), tant qu’une norme scolaire de rythme et de
modalités d’apprentissage sera en vigueur (sans adaptation et sans aménagements
pédagogiques), tant que la vieille idée que pour les enfants handicapés,
« il y a des établissements spécialisés pour eux » (c’est-à-dire tant
que la filière médico-sociale d’éducation sera légitimée), etc., elle ne sera
pas en mesure d’accueillir et de scolariser de plein droit et avec l’efficacité
nécessaire tous les enfants qui la fréquentent (et pas seulement d’ailleurs les
seuls enfants handicapés, mais aussi tous ceux qui rencontres des difficultés
ou en échec). Il y faudrait là aussi une « évolution de l’offre de
services », ou plus fondamentalement, une réflexion sur les missions et
les fonctionnements de l’école ; l’évolution de l’offre de services de
l’organisation médico-sociale n'y suffira pas.
De même dans le travail et l’emploi : quelques
dispositifs marginaux sont censés favoriser l’emploi des personnes handicapées,
dont le taux de non emploi est deux fois supérieur à celui des personnes non
handicapées. Mais ce qui est attendu dans l’emploi, ce sont des critères qui
n’interrogent pas l’adaptation de l’emploi à des caractéristiques
particulières : aujourd’hui, dans l’emploi, il faut aller vite, être
proactif, productif, stressé (le stress est parait-il un atout pour être
productif), changer souvent (de poste, d’entreprise, de partenaire…), être
résistant à l’effort, présenter une « bonne image »…Critères qu’une
personne en situation de handicap, n’est pas toujours à même de réunir, lorsque
la qualification ou la compétences ne suffisent pas.
L’évolution de l’offre de service médico-sociale est la
manière dont les politiques publiques pose le problème de la situation des personnes
handicapés : le problème est circonscrit dans le champ concerné, en
oblitérant les conditions structurelles et sociales des droits et conditions de
vie des personnes en situation de handicap (pas de questionnement sur le
fonctionnement de l’école ou du travail). Cela conduit inévitablement à des
impasses (l’évolution est minime). Le changement de regard, si souvent évoqué,
ne devrait pas porter que sur le handicap et les personnes handicapées, mais
sur le fonctionnement sociétal tout entier, de manière radicale. A défaut, cela
peut donner une impression d’évolution, mais le problème reste insolublement
posé, il ne peut qu’être masqué par une communication adéquate. Lorsque les
valeurs (de l’école, du travail, et de toute la société) ne sont pas inclusives,
il est vain de vouloir inclure.
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