Surdité et troubles du comportement
Il (n’) y a (pas si) longtemps, plus de 25 ans tout de même,
beaucoup de sourds étaient considérés, au niveau du grand public comme chez de
nombreux professionnels travaillant auprès d’eux, comme
« caractériels » ou « semi-caractériels ». La littérature
savante, certains ouvrages de « psychologie du sourd » par exemple,
autant que les réalités institutionnelles, celles des établissements
spécialisés fermés et dans lesquels la langue des signes était peu utilisée
quand elle n’était pas interdite, confortaient ces idées reçues.
Il n’en restait pas moins que cette interpellation
interrogeait. Effectivement, dans l’institution, il y avait de la
« violence » : nombreux étaient les enfants qui maitrisaient mal
leurs émotions, qui étaient sujets à des colères, qui « pétaient les
plombs ». Mais à y regarder de plus près, certains d’entre eux avaient des
comportements tolérés dans l’institution (« les sourds, c’est comme
ça », affirmaient des professionnels aguerris), mais qui mis en lumière
dans un environnement ordinaire étaient socialement étranges, voire
intolérables. A cela beaucoup de raisons certainement, dont les moindres
n’étaient pas celles de l’inadaptation de l’institution à leurs besoins (de
communication en particulier) et de l’expérience du monde clos institutionnel.
Ce qui était problématique était aussi l’aveuglement
institutionnel quant à ce que cela produisait, et qui était « normal pour
un sourd ». Presque personne à l’intérieur de l’institution fermée ne se
rendait compte des anomalies existantes, produite dans et par l’institution.
Les choses allaient de soi. Cette interpellation fut à l’origine d’une
réflexion qui aboutit rapidement à une délocalisation des classes spécialisées
en établissement scolaire ordinaire, ce qui deviendra ce qu’on appelle
aujourd’hui les unités d’enseignement externalisées. Même si l’ambition de
l’époque n’était pas celle de l’inclusion d’aujourd’hui, la part de
« vivre ensemble » de ces dispositifs permettait une « normalisation »
des savoir-être, attitudes et comportements, se substituant au
« hors-normes » de l’institution.
Si comme dans n’importe quelle population, certains élèves
sont plus ou moins adaptés aux normes collectives du vivre ensemble, il s’est
trouvé que ce changement d’environnement a modifié un certain nombre
d’attitudes chez ces élèves, là où on attribuait naturellement ces attitudes à
la déficience. C’est l’exil dans l’institution qui produisait des comportements
« caractériels ».
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