Regard global et vision totale
L’élaboration des projets personnalisés d’accompagnement
(PPA) ou, selon une autre terminologie, des projets individualisés
d’accompagnement (PIA) donne l’occasion d’observations « cliniques »
intéressantes tant en ce qui concerne la manière dont justement les parents se
situent par rapport au projet dont ils discutent que sur les modes de pensée,
de représentations et d’action présents chez les professionnels présents lors
de cette élaboration.
Il n’est pas impossible que parfois, en de telles
circonstances, l’on confonde globalité et totalité. Dans une vision
« totalitaire », c’est toute la vie, et dans son moindre détail, qui
est sous l’œil du professionnel ou d’une équipe, d’un regard focalisé sur ce
qui fait l’objet de leur action. Dans une vision globale, c’est la situation du
jeune dans son environnement qui est prise en compte. De la volonté légitime de
prendre en compte une personne dans sa globalité, le risque est grand, dans les
institutions dotées d’experts en tous genres, de dériver vers des pratiques de
contrôle, de soins ou de rééducations de la moindre attitude lue comme déviante
à la loupe des expertises.
Ainsi, une jeune fille sourde, accompagnée par service
spécialisé en collège, est repérée comme relativement bavarde, voire parfois
insolente avec les professionnels du collège et du service spécialisé.
L’approche « totalisante » va pointer ces
« dysfonctionnements » comme un fait majeur, une anomalie à rectifier
spécifiquement, voire comme un symptôme de sa situation de jeune fille sourde,
et qui pourrait faire l’objet d’un objectif du PPA (avec les ressources du
service : rencontres avec les professionnels, suivi psychologique, etc.).
Dans une vision globale, une telle situation va être
« banalisée » : elle va être resituée à la hauteur de ce qui se
passe pour de jeunes adolescents en collège, dont les bavardages et les
insolences ne sont pas si rares, appelant parfois des remarques, voire des
sanctions « sociales ». Mais dans cette approche, ce type de
comportement fait rarement appel à des moyens dédiés, des contrats, des
objectifs de projets et d’un déploiement d’échanges, de réflexions et de
mobilisation pluridisciplinaire.
Précisément dans cette situation, les parents remirent les
choses dans un contexte raisonnable, non pas pour défendre le comportement de
leur fille, mais pour l’apprécier au regard d’un comportement de « droit
commun ». Mais pour cette famille résistant au rouleau compresseur de
l’évaluation situationnelle de professionnels experts, combien de famille
adhèrent-elles au discours du regard « totalitaire » des équipes
professionnelles ?
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