Ethique de conviction et éthique de responsabilité
Personne aujourd’hui, en particulier parmi les
professionnels qui travaillent dans le secteur médico-social, n’osera penser,
et encore moins le dire, qu’il est favorable à l’exclusion des personnes
handicapées, ou encore qu’il ne faut pas être à leur écoute. Il y a un accord
de conviction sur leur inclusion dans la société, sur l’importance de leur
écoute, voire sur le développement de leur empowerment.
Et pourtant, dans les établissements, cette éthique de conviction se heurte à
une éthique de responsabilité tant au niveau des dirigeants que des
professionnels.
En effet, de multiples actions ou projets vont être
reportés, remis, annulés, suspendus, en raison des conséquences présumées
(souvent des auto-prédictions) sur les usagers ou les professionnels. On ne va
pas externaliser un dispositif sous la pression de professionnels mettant en
garde sur les risques qu’on fera subir aux enfants sous le prétexte qu’on leur enlèverait
la protection nécessaire, ou qu’on leur nierait le besoin qu’ils auraient
d’être toujours entre eux pour être bien. On va légitimer le maintien en
dispositif spécialisé de jeunes collégiens sous la pression de professionnels
inquiets de la souffrance, le plus souvent fantasmée, qu’ils vont développer
dans le vivre ensemble avec les autres, ou sous la pression d’enseignants
spécialisés garantissant que leur place n’est pas dans la classe
« ordinaire » puisqu’ils ont besoin d’enseignement spécialisé, comme
une tautologie de toute éternité. On ne mettra pas d’accessibilité (interface
ou interprète en langue des signes) sous la pression d’enseignants spécialisés
qui considèrent que le besoin des jeunes sourds consiste exclusivement de la
compensation (pédagogie spécialisée et adaptative), en raison des moindres
capacités (en langue, en vocabulaire, en cognition, etc.) attribuées a priori
aux jeunes sourds.
Certes tous les bons conseils de management indiquent en
quelque sorte de résister positivement à ces résistances, avec tout un arsenal
de jolies formules et de techniques élaborées. Mais le plus souvent, on laisse
faire, on évite de faire des vagues, on est plus soucieux de la bonne gestion
plutôt que de chercher à savoir quoi faire pour véritablement répondre aux
politiques d’accompagnement préconisés pour servir les personnes en situation
de handicap. Et même parfois, lorsque des professionnels prennent des
initiatives qui vont dans ce sens, en écart ou en opposition avec certaines
résistances majoritaires, il arrive qu’ils soient institutionnellement
désavoués, et dans le paroxysme d’une institution fonctionnant sur le rapport
de force, jetés en pâture à la pensée dominante, cachée et non affichée. Il y a
là un des obstacles aux évolutions, dû au manque de courage de certains
responsables n’arrivant pas, souvent de manière inconsciente, à marier éthique
de conviction et éthique de responsabilité.
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