S'il n'a pas le niveau en français...
« S’il n’a pas le niveau en français, ça m’étonnerait
qu’il puisse aller en inclusion en cours de maths ou de sciences ! »
Voilà un propos tenu (2016) par un enseignant spécialisé en surdité à propos
d’un jeune garçon sourd entrant en collège et pour lequel s’était posée la
question de savoir quelles modalités de parcours de scolarisation allait lui
être proposé à son entrée en 6ième.
Allait-on tenter le pari d’une scolarisation en classe de 6ième,
avec un accompagnement quasi permanent (en dehors des cours de français,
discipline dans laquelle il se trouvait effectivement en difficulté)
d’accessibilité en langue des signes, réalisé par des enseignants spécialisés
et des interfaces/interprètes en langue des signes dans la cadre d’une unité
d’enseignement externalisée ?
Ce propos est révélateur d’un certain nombre d’idées
préconçues qu’on l’on trouve très fréquemment dans les représentations et les
pratiques des enseignants spécialisés formés dans le domaine de la surdité.
- - La persistance d’un modèle pédagogique
ségrégatif, éloigné des nouvelles conceptions de la place des personnes en
situation de handicap et des nouvelles approches conceptuelles du handicap.
- - L’ignorance de l’évolution du système éducatif
et de l’école concernant les objectifs de scolarisation de tous les élèves, y
compris les jeunes en situation de handicap, et de l’injonction réglementaire
de l’accueil de ces élèves dans les classes (l’observation des résistances de
l’école à ce niveau ne peut être un prétexte à rester à l’état antérieur).
- - La permanence de la légitimité de l’exclusion de
certains élèves de l’école en raison de leur niveau scolaire ou de leurs
prétendus besoins spécifiques généralisés à l’ensemble des compétences et
connaissances dont il faut faire l’apprentissage (cela ne signifie pas qu’il
n’y a pas un certain nombre de besoins spécifiques, en particulier dans le domaine
de la langue)
- - La pérennité de l’exclusion des institutions de
droit commun de personnes en raison de leur situation de handicap (le faible
niveau en français oral et écrit, en raison des conséquences de la surdité) qui
légitime qu’un élève ne puisse pas, et ne doive pas, être avec les autres.
- - Le déni a priori de la capacité de ce garçon à
faire les acquisitions de compétences et de connaissances dans le cadre
ordinaire (avec accessibilité, voire adaptation dans le cadre d’un
co-enseignement)
- - L’assignation à l’incapacité sous le prétexte
d’une difficulté spécifique, et l’assignation à des dispositifs spécialisés qui
finiront par confirmer cette incapacité à apprendre et à vivre ensemble, avec
tous.
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