Eloge de la faiblesse (Cerf, 1999) et Le métier d'homme (Seuil, 2002) d'Alexandre Jollien
Il existe aujourd'hui de nombreuses publications, ouvrages ou articles, sur la gestion, l'organisation et le management des établissements et services qui accueillent ou accompagnent les personnes en situation de handicap. Plus rares sont les publications qui tentent des approches anthropologiques (sociologiques, psychologiques, ...) des situations vécues par les personnes ayant des déficiences ou des troubles, et qui tentent de rendre compte des points de vue et des réalités que vivent ces personnes, et dont ne parlent pas, le plus souvent les ouvrages de la première catégorie. Plus rares encore sont les véritables "témoignages" des personnes vivant différentes situations de handicap.
Parmi ceux-ci, il y a Alexandre JOLLIEN, dont je recommande ici deux des premiers ouvrages, pas très récents, mais toujours d’actualité.
Alexandre Jollien, qui a une « infirmité motrice
cérébrale », est philosophe, et présente sa réflexion philosophe sur sa
situation présente, et celle qu’il a connue dans un centre spécialisé. Et
au-delà de sa situation personnelle, est réfléchie la situation de tous ceux
qui sont en situation de « faiblesse » par rapport aux « normaux ».
Avec ses outils de philosophe, de Socrate à Nietzche, il
jette un regard lucide et constructif sur ce qu’il vit, et sur ce qu’il a vécu
dans le centre spécialisé où il a été éduqué, toutes les richesses et les
obstacles qu’il a rencontrés, sur sa vie de personne en situation de handicap
dans le monde, avec les regards et toutes les représentations existantes et
stigmatisantes.
Voici un extrait du deuxième ouvrage : « Je
suis un anormal. On l’a dit, assez. Je l’ai senti. Les mouvements des yeux qui
passent à l’examen chaque parcelle de mon être me l’apprennent ; tel
regard fixe le mien puis descend, là précisément où se trouve la preuve qu’il
recherche : « il est handicapé ». Parcours des yeux, quête
insistante du talon d’Achille, de la faiblesse… Ce que la plupart des gens
perçoivent, c’est l’étrangeté des gestes, la lenteur des paroles, la démarche
qui dérange. Ce qui se cache derrière, ils le méconnaissent. Spasmes, rictus,
pertes d’équilibre, ils se retranchent derrière un jugement net et tranchant,
sans appel : voici un débile. Difficile de changer cette première
impression, douloureux de s’y voir réduit sans pouvoir s’expliquer. Le dialogue
est impossible car ce qui vient d’un débile est débile. Ainsi le cercle se
ferme, le contact devient impossible. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire