D'un petit raté à du harcèlement
Appelons-le Monsieur X. Mr X est moniteur éducateur, âgé d’une
cinquantaine d’années. Il a exercé, depuis ses 18 ans, dans le même
établissement, à l’internat de l’institution. A l’heure des faits qui suivent,
il partage son temps entre, d’une part, ses missions auprès des jeunes (à
l’internat toujours, ainsi que des fonctions d’accompagnement à l’orientation
des jeunes de 14 à 16 ans), et d’autre part des délégations syndicales et de
représentation du personnel. Pendant ces années, il n’a jamais fait voir de ses
projets que celui, à échéance encore lointaine, de son départ en retraite.
Sophie est une jeune fille sourde qui exprime son vœu de
faire une formation précise, et son choix se porte prioritairement, pour
effectuer cette formation, sur une orientation dans un établissement spécialisé
pour jeunes sourds. Le nombre de places étant limité dans cet établissement,
nous convenons avec la famille de la recherche d’un plan B. Dans ce plan B, Mr
X est chargé, conformément à ses missions, de prendre contact avec diverses
structures pouvant assurer cette formation afin de bien préparer cette future
orientation. Mais il ne le fit pas, malgré plusieurs sollicitations.
Heureusement sans effet négatif, puisque Sophie avait pu accéder à son premier
vœu.
A la rentrée suivante, lors de l’entretien individuel
annuel, son chef de service évoque ce fait, en prenant toutes les précautions
rhétoriques nécessaires, en le qualifiant de « petit raté », comme
cela arrive à tous les professionnels. Mr X prend mal la remarque, qu’il
récuse. De ce jour, toutes les occasions sociales ou professionnelles furent
mises à profit par Mr X pour dénigrer le chef de service.
L’année suivante, il avait toujours les mêmes missions. Il
avait en charge une situation problématique d’un jeune qui ne trouvait pas
d’employeur pour faire son apprentissage. Mr X partit en vacances au début
juillet, sans avoir trouvé de solution pour ce jeune homme, et, plus grave,
sans avoir informé son chef de service de la situation (ni des démarches
faites, ni de l’absence de solutions).
A l’entretien annuel qui suivit, le chef de service ne
pouvait pas ne pas évoquer cette situation, qui avait laissé un jeune dans une
impasse, ce qui relevait d’une certaine gravité dans l’éthique de
l’accompagnement. Evocation encore une fois faite avec toutes les précautions
rhétoriques nécessaires. Au simple énoncé de la situation, Mr X réagit
violemment, ferme son cahier de notes, le met dans son cartable, accuse son interlocuteur
de faire de l’entretien « un moment de règlement de compte, d’attaque
individuelle et de harcèlement », il se lève et s’en va en claquant la
porte.
A partir de cette date, et profitant de son statut de représentant
du personnel, il fit du chef de service son ennemi personnel. Tous les faits et
gestes du chef de service, ses discours et ses propos, ses prises de position
et ses décisions, ses accords ou désaccords avec des professionnels, tout fut
traduit, interprété, par lui et par d’autres professionnels qui y trouvaient aussi
un intérêt, comme un manque d’écoute et de reconnaissance, un abus d’autorité,
et en résumé comme du harcèlement, à l’origine de souffrance au travail.
L’accusateur qui se dit victime de harcèlement se transforme
en harceleur institutionnel ! Pour peu que les responsables de l’institution,
par crainte d’affronter l’ordre professionnel ou syndical, ou pour quelque
obscure raison de stratégie managériale, laissent faire les choses, on se
trouve là devant une situation de harcèlement (non au sens juridique du terme, mais comme production des effets identiques à celui du harcèlement), du chef de service cette fois,
quelque peu éloignée des préoccupations « courantes » de prévention
des risques psycho-sociaux.
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