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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 9 décembre 2016

"Six menthes à l'eau, et ...."

"Six menthes à l'eau, et ... "

J’étais tombé, il y a déjà de nombreuses années, sur un article dont le titre m’avait intrigué par son caractère inhabituel dans une revue professionnelle : « La culture des incapables, ou six menthes à l’eau ». Je ne résiste pas au plaisir de reproduire ici « l’historiette » que raconte l’auteur (J-F. Gomez, conférence au Colloque Européen sur l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées mentales, 1998) : « C’était au cours d’un évènement festif, dans un village de Provence très fréquenté, au mois d’août. J’étais donc en vacances oubliant comme tout un chacun mes soucis de l’année, sirotant un demi de bière avec quelques amis, décontracté. Soudain, je vois un groupe de six handicapés mentaux s’installer sur la terrasse avec leurs accompagnateurs. Les personnes handicapées, des adultes de quarante à quarante cinq ans, hommes et femmes, les accompagnateurs un peu plus jeunes. Au début, je ne fais guère attention à cette présence, qui pour moi, est très quotidienne, et somme toute banale. Je remarque pourtant une sorte de bruissement près du bar… Le garçon vient chercher les consommations. Les adultes handicapés qui n’avaient pas un sou sur eux sont gratifiés collectivement de six menthes à l’eau, pendant que les accompagnateurs choisissent leur boisson préférée, y consacrant le temps nécessaire ».


Bien sûr cette histoire date de bientôt 20 ans. Et, la loi de 2002 étant passée par là, on peut penser que cette scène ne pourrait pas se reproduire. Et c’est sans doute vrai dans ce qu’elle a de caricatural. Mais pour autant, n’y aurait-il pas lieu de s’interroger sur la manière dont en définitive on prend en considération (comme nos égaux) les personnes en situation de handicap dont on « s’occupe ».

L’un des axes de la loi du 2 janvier 2002 portait sur les outils de respect des droits des personnes (avec des outils comme le Conseil de la Vie Sociale, mais aussi par des pratiques professionnelles comme la prévention de la maltraitance, l’implication des usagers dans leur projet et leur écoute). Indéniablement, les choses se sont améliorées : les personnes en situation de handicap ont davantage l’occasion de s’exprimer dans les institutions, les usagers et les familles contribuent, voire parfois co-élaborent leur projet personnalisé d’accompagnement, ils sont davantage respectés dans leurs choix de vie, ils ont acquis des droits, même si ce ne sont pas encore les droits de tous. Si cela s’est fait, c’est aussi parce que (cause et condition) les représentations ont (un peu) changé, changements auxquels ont contribué en retour ces droits.


Mais il serait illusoire de se satisfaire de cette mise en œuvre pour considérer comme acquise l’émancipation des personnes en situation de handicap, condition indispensable à la représentation des personnes en situation de handicap comme « personnes à part entière ». Le cadre formel de l’exercice des droits, s’il peut contribuer à modifier par des pratiques (souvent imposées) certaines représentations, ne remet pas en cause les tréfonds des représentations infériorisantes des personnes en situation de handicap, les frontières entre « nous et eux ». Et en l’absence d’un travail éthique dont on voit apparaître aujourd’hui la nécessité, qui interroge le travail social et médico-social et les représentations qui nous font agir, les changements ne seront que de surface, et les personnes en situation de handicap continueront de se faire servir des « menthes à l’eau ».

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