Quand la priorité est l'évolution de l'offre de services
Dans la période actuelle, il nous est donné d’observer deux évolutions dans les approches de l’accompagnement des personnes en situation de handicap. D’une part, une évolution des approches conceptuelles, passant d’une approche biomédicale qui attribuait le handicap aux caractéristiques de la personne ayant des déficiences et des incapacités, à une approche écosystémique et sociale, qui identifie le handicap comme étant le produit de l’interaction entre les caractéristiques de la personne (dont les déficiences et les incapacités) et les caractéristiques de l’environnement, qui peut être un obstacle à la réalisation d’activités et d’habitudes de vie. D’autre part, une évolution de l’offre de service, passant d’une organisation structurée autour d’établissements spécialisés, de murs, à une organisation de services répondant de manière flexible aux besoins des personnes et promouvant leur autodétermination, leurs droits et leur liberté de choix.
On pourrait penser que les deux évolutions convergent. C’est
le cas au niveau des principes : l’évolution des approches conceptuelles
et l’évolution de l’offre de services prétendent se mettre au service de
l’amélioration des situations de vie des personnes en situation de
handicap : prise en compte de leur expression et de leur besoins, actions
sur l’environnement pour enlever les obstacles à la participation, non
ségrégation et non-discrimination dans la vie en société, personnalisation des
services, inclusion dans toutes les institutions de la société etc. Mais ce
n’est pas toujours le cas.
Lors d’un échange, un dirigeant de service médico-social me
présentait, avec une certaine fierté, une action qui selon lui favorisait
l’inclusion. Il s’agissait de former des médecins scolaires d’une Académie. Le
contenu de la formation consistait à former à la déficience concernée et à
toutes les incapacités conséquentes susceptibles de gêner la vie et les
apprentissages des élèves concernés. Je m’étonnai de cette approche et lui fis
remarquer que cette manière de faire reproduisait une approche biomédicale.
L’approche biomédicale consiste en l’occurrence à penser que le handicap est la
conséquence des caractéristiques physiques ou mentales, considérées comme
défectueuses, d’une personne, qui ont des effets sur la réalisation des
aptitudes (intellectuelles, motrices, langagières, sensorielles,
comportementales…). Depuis la théorisation de cette approche dans les années 1980,
il y a eu des évolutions : Classification Internationale du Fonctionnement,
du handicap et de la Santé, OMS 2001, et Modèle de Développement Humain –
Processus de Production du Handicap, RIPPH, 1998, 2018. Ces modèles, sans
ignorer les déficiences et les incapacités, les situent comme un des facteurs
des situations de handicap.
Mais, me répondit ce responsable, « c’est une étape
nécessaire pour faire évoluer l’offre de service ». Hormis le fait que la
relation de cause à effet n’est pas évidente, on peut s’interroger : pour
faire évoluer une offre de services (évolution nécessaire), tous les moyens
sont-ils bons, y compris ceux qui vont instaurer des conceptions, des relations
et des attitudes contraires aux approches contemporaines et se référant à des
approches archaïques, celles-ci correspondant précisément à l’ancienne offre de
services ? Identifier les personnes qui rencontrent des situations de
handicap à l’école par l’identification de leur déficience et de ses
caractérisques et par l’identification de leurs incapacités, sans chercher à
identifier les diverses situations produisant le handicap en raisons des
obstacles de l’environnement n’est peut-être pas la bonne étape de l’évolution
de l’offre de services. Cette approche pourrait avoir au contraire comme
conséquence de renforcer les représentations déficitaires, les attitudes
rééducatives et normatives, donc les pratiques archaïques de l’organisation de
l’accompagnement. La formation à un modèle conceptuel archaïque ne peut être en
mesure de favoriser des évolutions des offres de services.
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