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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 6 février 2023

différence, domination et singularité

Différence, domination et singularité

On se croit quitte du respect dû aux personnes en situation de handicap dès lors que l’on évoque la notion de différences les concernant et que l’on affirme le respect de ces différences. Et de fait, considérer que certaines personnes caractérisées par des différences physiques ou psychiques font partie, « malgré » leur différence, de la diversité humaine contribue à leur reconnaissance. Cela constitue un progrès certain au regard des phénomènes, comportements, attitudes, représentations et institutions qui avaient placé les personnes concernées dans une position d’exclusion, d’infériorité, de ségrégation et de discrimination. La reconnaissance des différences rétablit leurs droits dans la société. Elle rétablit leur qualité d’êtres humains à part entière, rompant avec les représentations déficitaires biomédicales, dans lesquelles leurs caractéristiques étaient immanquablement identifiées à l’incomplétude, à la déficience, à l’écart à la norme, aux manques, aux incapacités et aux besoins.

Mais le terme de différence renferme un piège qui se referme précisément sur ce qu’il voulait bannir. Si, en effet, l’on parle de différence et de personnes différentes, c’est qu’il existe dans le même temps des catégories de personnes non différentes, c’est-à-dire « normales », dans les normes habituelles de l’humain. La notion de différence établit de ce fait de nouvelles frontières, celles entre les différents et les non différents, et par-là même de  nouvelles exclusions et de nouvelles discriminations. Le terme est en effet le plus souvent attaché à des catégorisations : les différences sont identifiées comme un ensemble définissant une catégorie de population. L’identification oppose cette catégorie considérée comme différente soit à d’autres catégories de différences, soit le plus souvent à la catégorie plus générale et plus massive de ceux qui ne seraient pas différents.

La différence considérée comme caractéristique d’une personne relativement à une communauté « non différente » conduit à une valorisation (ou parfois au contraire à une dévalorisation) de la « nature » de cette différence, à son essentialisation. La différence assigne la personne à l’identité supposée que porte cette différence. Ainsi par exemple, cette caricature du racisme qui attribuait la vitesse à la course à la couleur de peau. Un tel discours sur la différence pose l’autre différent, en même temps qu’il le reconnait, comme radicalement autre, étranger en définitive, identifié dans une sphère radicalement éloignée des « non différents ». De telles assertions posent que le vivant (humain) serait régi par des normes fixes, comme un prototype, quand « la seule norme du vivant est qu’il est dépourvu de normes (Gardou, La fragilité de source, p.45).

Le principe ainsi posé entre « non différents » et « différents » se retrouve ainsi dans une expression comme « issus de la diversité », comme si seuls certains en seraient issus et pas les autres, ou dans des catégorisations comme celle de « handicapé ». En partant de ce postulat, le risque est de cantonner les « différents » aux frontières du fonctionnement social ou sociétal, ou de les assigner dans des positions de dominations sociale en tant que catégorie. Car ce discours de la différence masque de fait des exclusions et des dominations. Lorsque la différence est implicitement et inconsciemment la marque d’une infériorité par rapport aux normes en cours, c’est l’inégalité qui est posée comme modèle de fonctionnement. Qui peut bien sûr déboucher sur quelques luttes contre les inégalités ; mais plus fréquemment sur des habitudes sociales de domination sur les « plus inégaux », assignés à des places correspondant à leur infériorité supposée, étiquetée différence. Cela remet bien évidemment en cause l’objectif politique d’égalité : comme atteindre l’égalité quand on n’est reconnu (fût-on valorisé) que par ses différences, que par ce qui nous sépare et distingue des autres, ceux qui n’auraient pas de différences.

Les notions de singularité et de diversité pourraient permettre de sortir en partie de ce piège. Chacun des êtres humains est une personne singulière, il n’y a pas des singuliers et des non singuliers, il y a une diversité d’êtres humains. Sur ce principe l’égalité est davantage atteignable.

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