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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

jeudi 23 février 2023

quand les troubles ignorent les situations de handicap

Quand les troubles ignorent les situations de handicap

Il y a un paradoxe majeur dans le processus inclusif. En termes de valeurs, sur le plan éthique, l’inclusion est de mise. L’on convient facilement que chaque individu, quelles que soient ses caractéristiques, y compris celles concernant son fonctionnement organique (déficiences, maladies, troubles) ou ses aptitudes (capacités), a droit à participer à la vie de tous, a droit à la participation sociale et à l’exercice de ses droits, fût-il aidé pour ce faire. Pour rendre cela possible, le concept d’inclusion postule que de son côté l’environnement, ou la société en général, se rende accessible à cette diversité humaine, et se transforme justement pour donner toute leur place à tous, dont les personnes en situation de handicap. Cette conception de l’inclusion suppose que l’on n’attribue plus les situations de handicap rencontrées par une personne exclusivement à cette personne elle-même, en raison de sa déficience ou de ses incapacités. Cela suppose que l’on conçoive les situations de handicap comme produites par l’interaction entre les caractéristiques de la personne et les caractéristiques de l’environnement. Une personne en fauteuil se retrouve en situation de handicap devant un escalier ; un plan incliné ou un ascenseur enlève l’obstacle et fait disparaitre la situation de handicap dans cette circonstance.

Cette approche conceptuelle est battue en brèche par des conceptions ou des approches traditionnelles attribuant le handicap à la personne sur la base de ses caractéristiques de fonctionnement corporel (physique ou psychique). Cette approche traditionnelle s’est renouvelée et généralisée dans les théories neuroscientifiques qui attribuent la cause du handicap à des dysfonctionnements du cerveau et de ses fonctions. C’est de cette manière qu’ont été définis tous les troubles qui font aujourd’hui la matière des nouveaux handicaps : troubles spécifiques d’apprentissage (dysphasie, dyslexie, dysorthographie, dyspraxie, dyscalculie…), troubles envahissant du développement (TED, devenus TSA, troubles du spectre de l’autisme), troubles neurodéveloppementaux (TND), troubles de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H).

Les enfants qui rencontrent des difficultés à l’école, dans les apprentissages ou dans les comportements, sont aujourd’hui facilement étiquetés d’un trouble et d’un handicap. Les difficultés que ces enfants rencontrent sont réelles, parfois très importantes, et méritent d’être prises en compte en tant que situations résultant de plusieurs facteurs possibles. Or aujourd’hui, la pluralité des facteurs est ignorée, voire combattue. Une difficulté repérée par un enseignant est d’emblée attribuée à un dysfonctionnement de l’élève et à une pathologie attendant d’être diagnostiquée : le cerveau et ses neurones en seraient indubitablement aux origines. Ce que vont s’empresser de faire des experts en neuroquelquechose, qui vont bien entendu trouver ce qu’ils cherchent, c’est-à-dire une pathologie identifiée dans une classification descriptive du fonctionnement mental humain (la DSM, en français : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Or dans cette catégorisation statistique, il peut y avoir trouble (léger) lorsqu’il y a (léger) dysfonctionnement par rapport aux normes établies. Autrement dit, le trouble est diagnostiqué dès le plus petit écart avec les normes : connaissant la rigidité des normes scolaires, on peut s’attendre à ce que les écarts soient très rapidement pathologisés, et diagnostiqués selon cette catégorisation.

On voit bien comment, dans cette approche théorique (idéologique), les causes du handicap sont attribuées à l’enfant qui n’entre pas dans la bonne case, dans les normes. En ignorant ce qui régit toutes les situations humaines de rapport avec le milieu. Les difficultés à l’école peuvent avoir bien d’autres causes qu’un dysfonctionnement du cerveau, traduit en trouble : un milieu social défavorable, un traumatisme affectif, le fonctionnement même de l’école, etc. Or, dans l’hégémonie actuelle de l’approche neuroscientifique, ces facteurs possibles sont ignorés, contrairement aux postulats de l’inclusion.

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