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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 30 janvier 2023

Entre care et empowerment

Entre "care" et "empowerment"

Au-delà des anglicismes régissant la pensée contemporaine, ces deux termes, « care » et « empowerment », énoncent en définitive deux orientations fondamentales possibles d’intervention et d’accompagnement des personnes vulnérables, exclues ou handicapées. Traditionnellement, dans le « care », on se trouve dans le prendre soin des personnes, dont les dérives passées et encore possibles sont l’assistance, dépossédant les personnes concernées de leurs droits fondamentaux à plus ou moins grande échelle. Il y a lieu toutefois de ne pas réduire le « care » à cette extrémité, qui a pris les formes des institutions fermées et protectrices. A l’inverse, l’« empowement », notion et pratique plus récentes, se situe dans la non-assistance, dans la non-ingérence du social dans la vie des personnes. Il présuppose (en tant qu’acquis ou en tant qu’objectif, à tout le moins comme donnée anthropologique) l’autonomie de la personne et la responsabilité qui lui incombe de s’inclure dans la société. Mais là aussi il existe des dérives. G. Le Blanc prend comme exemple celui des « homeless » dans la société américaine (Que faire de notre vulnérabilité, Bayard, 2011) : « Les « homeless » américains, souvent peu visibles en journée, mais déplaçant leur Caddy-maison en fin de journée, à la recherche d’un endroit dans la rue pour dormir, sont les indicateurs vivants d’une maximalisation de « l’empowerment » au détriment du « care » aux Etats-Unis, là où en France par exemple, la solution par le « care » semble encore prévaloir. » (p.180).

Intervenir dans la vie des gens (care) ou les laisser eux-mêmes agir pour ce qu’ils estiment être leur bien (empowerment) ? Ne penser que l’un des termes d’une telle alternative fait courir les risques évoqués ci-dessus, en construisant l’action dans une idéologie de l’une ou l’autre notion. Le « care » seul laisse les personnes dans une dépendance contrainte à l’égard des aidants et dans une négation de leur citoyenneté. L’« empowerment » seul laisse les personnes se débrouiller face à une société qui laisse peu de place à ceux qui sont vulnérables ou empêchés, dans une illusion de justice sociale. Comment dès lors se pose la question de l’intervention, sociale ou médico-sociale, auprès des personnes en situation de handicap, mais aussi plus généralement vulnérables, exclues des différents champs sociaux (travail, logement, identité…) ?

Une certaine idéologie, dominante pour ne pas dire hégémonique, prône aujourd’hui le tout « empowerment ». Elle rejette aujourd’hui le « care », ou au moins les figures que ce dernier à pu prendre, aux gémonies de l’absence de respect des personnes et de leurs droits, et à l’image négative d’une protection niant tout risque et toute liberté. Sous le prétexte d’une critique radicale des modèles passés de « prise en charge » des personnes en situation de handicap, attribués aux principes du « care », l’approche par l’« empowerment », constitué en idéologie dure, évidente et incontournable, qui s’appuie sur des principes légitimes liés aux droits de l’individu, tend à rejeter le « care » comme une approche contraire aux droits des individus.

Cette approche, à rebours de ce qu’elle prétend produire, génère de l’injustice, des inégalités, du droit formel plutôt que réel. Les frontières de l’exclusion, naguère posées entre celui qui requérait de l’assistance et celui qui n’en avait pas besoin, sont aujourd’hui fermement arrimées entre celui qui peut ou veut se responsabiliser et être performant et celui qui, pour différentes raisons sociales ou personnelles, ne le peut pas. La légitimité de l’exclusion se fonde sur le critère de l’« empowerment », comme cela s’observe dans les discriminations aux aides (financières) pour les sans emploi, expliquées autour du rejet d’un assistanat volontaire.

La justice sociale, et au-delà les possibilités d’émancipation, ne peuvent se concevoir ni dans l’intervention d’ingérence dans la vie des personnes, ni dans le « forcing » à la responsabilité individuelle conforme aux « valeurs » d’une société de concurrence et d’exclusion.

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