L'inclusion : une fausse bonne question ?
Article publié dans Les Cahiers du travail social
IRTS Franche-Comté 2022. N° 101 p.9-17
Sous le signe de la participation sociale
Il y a effectivement intérêt à se méfier du terme inclusion,
en raison du renvoi qu’il opère sur des personnes qui auraient à se
« déplacer » vers le milieu dit ordinaire, le milieu
« normal » qui, par définition de fait, ne les inclut pas en raison
de ses normes en fonctionnement. Le qualificatif inclusif se prêterait
mieux à désigner la réalité et les propriétés de l’inclusion, lorsqu’il
qualifie l’environnement dans lequel se réalise le processus d’inclusion et dans
lequel se trouve la personne concernée : l’école inclusive, l’entreprise
inclusive, le logement inclusif, des transports inclusifs, la ville inclusive…
Dans cette dernière configuration, ce serait l’environnement qui se
« déplace » vers les personnes, toutes catégories confondues.
L’inclusivité des environnements désignerait la dynamique de ce processus de
déplacement.
Le plus souvent cependant, l’inclusion est pensée, et donc
présentée et communiquée, comme un dispositif, un état ou une situation, qui
décrit la présence d’une personne en situation de handicap dans une institution
qualifiée « d’ordinaire », c’est-à-dire faite pour « des non
handicapés, des valides, des normaux ». Un élève handicapé bénéficie-t-il d’un
processus inclusif à l’école, « il va en inclusion » dit-on. Ce
propos contredit en lui-même ce qu’il prétend affirmer. Si un élève va en
inclusion, c’est que le lieu où il « se rend » n’est pas son lieu
d’appartenance. Il peut y être accueilli, accepté, toléré, ignoré, ou même
rejeté. Dans ces conditions, il reste en quelque sorte un étranger à
l’institution dans laquelle il est censé être inclus. A ce niveau, le terme inclusion
n’est sans doute pas bien choisi, dans la mesure où il appelle à qualifier de
dispositifs organisationnels qui peuvent contenir beaucoup d’ambiguïtés.
Toutefois, l’inclusivité des environnements ne peut se
concevoir et se réaliser sans un certain nombre de conditions et de contextes
qui touchent à l’ensemble du fonctionnement sociétal et social. C’est une peu
ce qu’exprime le titre de la dernière loi fondatrice du « handicap » :
Loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté
des personnes handicapées (loi n° 2005-102 du 11 février 2005). Si tous les
termes en sont importants, nous allons tenter ici de lire le processus inclusif
à travers la notion de participation, qui peut apparaitre comme le paradigme
par lequel l’inclusion et l’inclusivité trouvent sens en tant que formes
réalisées de participation sociale.
L’inclusion serait un mot vide de sens s’il ne signifiait
pas que les personnes concernées prennent une véritable place dans les milieux
de vie et les institutions dans lesquelles vivent les autres personnes. Que
signifierait l’inclusion d’un enfant handicapé s’il se trouve relégué au fond
de la classe sans que l’on se préoccupe de lui ? Le critère de
l’inclusivité devient dès lors ce que l’on peut qualifier de participation
sociale, c’est-à-dire l’effectuation d’une activité ou la tenue d’un rôle par
une personne. On ne peut se satisfaire de la définition d’une participation
réduite à l’exercice des outils de la loi de 2002 (conseil de la vie sociale,
enquête de satisfaction, participation au projet personnalisé, …). Il s’agit
bien plus, dans notre hypothèse, d’une participation citoyenne aux activités de
la société dans laquelle vivent les personnes concernées. « Une situation
de participation sociale correspond à la pleine réalisation d’une ou plusieurs
habitudes de vie, résultant de l’interaction entre les facteurs personnels et
les facteurs environnementaux » (Fougeyrollas, 2018, p.56), l’habitude de
vie étant définie comme « une activité courante ou un rôle social valorisé
par la personne ou son contexte socioculturel (…). Elle assure la survie et
l’épanouissement d’une personne dans sa société tout au long de son existence. »
(id). S’il fallait trouver un critère qualitatif à un environnement inclusif,
ce serait certainement celui de participation : l’institution
« ordinaire » dans laquelle vit la personne (handicapée)
favorise-t-elle la place pleine et entière d’acteur de cette personne en son
sein, au même titre que pour toute autre personne ? Le degré de
participation indiquerait, dans ces conditions, si cette institution est
inclusive ou non.
Posant la participation sociale comme le paradigme de
fonctionnement, l’inclusion ne se conçoit comme « réponse
organisationnelle » qu’à la notion de situation(s) de handicap, et non à
celle de handicap. Le handicap reste attaché aux caractéristiques de la
personne, que ce soit au niveau de son fonctionnement ou du statut qui lui est
attribué par cette assignation. Dans cette hypothèse, les solutions qui sont
requises ou envisagées sont celles de la modification de la personne, entre le pôle
de maintien de la différence avec sa mise à distance et celui de sa négation
avec la réduction radicale à la norme. L’idéal pour la personne handicapée
reste celui de son adaptation à la société (ou à l’école), pour y être
intégrée, lorsque c’est possible, avec la plupart du temps des conditions très
contraignantes. Une situation de handicap (Fougeyrollas, 2010, Fougeyrollas et
al., 2018), au contraire, se conçoit comme un moment, un espace, un lieu, une
habitude de vie dans lesquels l’interaction entre les caractéristiques de
l’environnement et les caractéristiques de la personne produisent une situation
ne permettant pas à la personne de réaliser une activité ou un rôle qui lui
importent. Les interactions créent ce que Stiker (2021) qualifie de « condition
handicapée ». Les réponses sont ici à chercher dans l’adéquation entre une
personne et l’environnement dans lequel elle vit. Un escalier produit une
situation de handicap pour une personne qui se déplace en fauteuil ; un
plan incliné supprime ou réduit les obstacles au déplacement de la personne,
qui peut ainsi se déplacer : la situation de handicap en sera réduite pour
l’activité qu’elle veut effectuer. Un bébé qui nait sourd de parents sourds
n’est pas en situation de handicap dans sa famille ; il le sera dès lors
qu’il sera en contact avec des personnes qui ne connaissent pas la langue des
signes (Le Capitaine, 2013). Se pose ainsi, à travers la réalité de leur participation
sociale, la question de l’inclusion, ou plutôt celle des environnements
inclusifs (école, emploi, espace public, santé) générant des situations de
handicap, ou au contraire les réduisant ou les supprimant.
Longtemps, l’inclusion n’a été conçue que comme un
approfondissement (Le Capitaine, 2013, 2020) de l’intégration (ou de
l’insertion), mot d’ordre qui a inspiré les politiques entre les lois
fondatrices de 1975 et 2005. Elle l’est encore, en témoigne la qualification
d’inclusives de pratiques auparavant qualifiées d’intégratives et qui n’ont
guère évolué. En témoigne encore l’usage extensif du terme à un nombre de plus
en plus grand de réalités ou d’objets, le rendant incompréhensible et lui
enlevant toute consistance. Aujourd’hui cependant, la différence conceptuelle
semble mieux actée. L’intégration exigeait, pour être effective, une changement
souvent radical de la personne concernée, allant jusqu’au dépassement et au
déni de ses caractéristiques. La condition était qu’elle soit moins différente,
plus ressemblante à la norme. C’est pour cette raison que longtemps ne purent
postuler à l’intégration que les « moins handicapés », de préférence
après avoir soigné ou surmonté leurs incapacités physiques ou psychiques. On
retrouve ce modèle aujourd’hui dans les discours qui excluent de l’inclusion
les plus « lourdement handicapés ». L’inclusion opère une révolution,
ce n’est ni une suite, ni un approfondissement de l’intégration. Dans une
société inclusive, le droit de faire partie des institutions ordinaires (école,
travail, espace public, logement, etc.) est ouvert à tous par principe, même si
la personne ne surmonte pas (ou ne parvient pas à surmonter) ses
caractéristiques. Avec l’intégration, un jeune sourd avait pour obligation de
mieux entendre et de mieux parler oralement (avec prothèses et rééducation)
pour être accepté à l’école ; l’école inclusive accueille l’enfant sourd
avec ses caractéristiques (langue des signes, culture, sans vocalisation) avec
bien évidemment les médiations nécessaires (enseignement en langue des signes,
interprétariat, …) sans vouloir faire de ce jeune sourd un entendant en
réduction. L’effectivité de la participation sociale dessine ainsi la frontière
entre l’intégration et l’inclusion.
Une constellation conceptuelle et pratique
L’idée d’inclusion, et le modèle inclusif, ne sont pas des
idées isolées qui surgiraient ainsi hors de configurations sociétales pour
bousculer des pratiques sociales. Elles font partie d’une constellation
conceptuelle et de pratiques, dans laquelle d’autres concepts, notions et idées
interagissent. Sous le signe de la participation sociale, l’idée d’inclusion ne
peut se comprendre que dans le cadre d’une telle constellation.
L’idée d’inclusion est ainsi intimement liée à celle de
l’effectivité des droits des personnes. Si pendant longtemps les « traitements »
du handicap et des personnes handicapées ont été pensés et pilotés par des
approches et des modèles bio-médicaux, médicaux, soignants, réadaptatifs,
rééducatifs, individuels (au sein desquels charité et bienfaisance avaient
toute leur place), de nouvelles approches ont, partiellement et encore
insuffisamment, décalé, voire inversé, les problématiques vers celle de la
reconnaissance et de l’exercice des droits. Sortant de ces modèles appelant
avant tout la normalisation, la question du handicap se pose désormais en
termes de l’effectivité des droits des personnes en situation de handicap, au
même titre que les droits de tout humain. Ces droits ont trouvé leur
formalisation en 2006 à l’ONU avec la signature de la Convention internationale
des droits des personnes handicapées. L’exercice effectif des droits, en
référence aux, et à égalité avec, les droits humains de tous, engage la société
à fournir aux personnes en situation de handicap les conditions de « vivre
comme tous et avec tous », sans discriminations. Les principes généraux
(ONU, 2006, article 3) l’indiquent sans ambages. L’effectivité des droits
conditionne l’effectivité de la société inclusive et de la participation
sociale des personnes en situation de handicap.
L’inclusion, c’est aussi, et peut-être même essentiellement
en termes de modalités, une accessibilité des personnes (Jacob, 2020 ;
Kerroumi et Forgeron, 2021) à tous les environnements auxquels elles pourraient
prétendre si elles n’avaient pas les caractéristiques qui les empêchent, en
raison de leurs caractéristiques personnelles, d’y accéder. Longtemps, la
réponse au « traitement social » du handicap s’est appuyée,
logiquement, sur la compensation. Logiquement, car le handicap étant
caractérisé par des manques (déficiences, incapacités…), et qu’il importait de
réduire ces manques, en les soignant, en les rééduquant, en les compensant techniquement,
cognitivement, affectivement. Les nécessités de compensation demeurent (soins, prothèses,
orthèses, artéfacts technologiques ou numériques, etc.). Elles ne permettent
toutefois pas d’être à égalité avec les personnes « valides » dans
des environnements qui ont été conçus et qui fonctionnent pour et au bénéfice
de celles-ci. L’entrée d’un bâtiment public par un escalier annule toutes les
compensations possibles pour une personne en fauteuil. Aussi la participation
et l’inclusion des personnes en situation de handicap passe-t-elle par
l’accessibilité de tous les environnements dans lesquels elles pourraient
vivre, de l’accessibilité au logement ou aux transports à l’accessibilité de
l’environnement écrit (par le FALC, facile à lire et comprendre, par exemple)
ou des approches pédagogiques. Bien au-delà des contraintes des aménagements
raisonnables permettant à telle ou telle personne d’accéder à divers
environnements, la notion d’accessibilité universelle (Reichhart, 2021) avance
l’idée d’une conception au préalable des « objets », telle qu’ils
n’aient pas besoin d’adaptations postérieures.
Alors que dans le passage de l’intégration à l’inclusion,
l’on passe d’une problématique individuelle à une problématique écosystémique
et sociale, c’est pour mieux valoriser les personnes concernées dans leur place
d’acteurs de leur vie. La notion d’autodétermination (Caouette, 2020), plus
encore que celle d’autonomie (Jacob, 2020), en constitue la clé opérationnelle.
L’autodétermination est le pouvoir et le fait d’agir directement sur les
dimensions de sa vie perçues comme importantes, en effectuant des choix non influencés
par des facteurs externes indus. C’est être en mesure de choisir son mode de
vie, son logement, ses relations, ses activités, ses projets (de vie,
personnalisé) sans que des personnes extérieures (professionnels ou
institutions par exemple) ne viennent imposer ou trop influencer les choix. Le
mot d’ordre brandi par les premiers militants activistes handicapés était (et
reste) à ce niveau explicite : « Rien pour nous sans
nous ! ». Être en mesure de faire de tels choix, c’est pouvoir
s’extraire des filières spécialisées qui condamnent à des non choix ou à des
choix limités. Mais cela implique aussi que les environnement choisis soient en
mesure d’y répondre en étant ouverts à la présence des personnes en situation
de handicap dans les différents segments de la société. D’autres notions
proches de celle d’autodétermination participent de la même approche : l’empowerment,
le pouvoir d’agir, la valorisation des rôles sociaux (Lemay, 2018), la capacitation
par exemple. L’ensemble de ces notions trouve des prolongements pratiques dans
le modèle de la pair-aidance ou la pair-émulation (Gardien, 2017), lieu de
valorisation de compétences et d’expertise « expérientielles » des
personnes concernées et source de renforcement de prises de décision. Le
pair-accompagnement est une pratique qui s’est développé à la base dans une
visée d’autodétermination des personnes en situation de handicap ou de maladie.
Si les notions d’intégration et d’inclusion sont bien en
contradiction entre elles (Gardou, 2012 ; Le Capitaine, 2013), l’inclusion
n’abolit pas pour autant l’intégration. La mise en acte de la participation
sociale n’est pas exempte d’interactions en tension, voire contradictoires, avec
son lieu d’exercice. L’intégration est aussi, sur un plan personnel cette fois,
la manifestation d’une volonté de reconnaissance par autrui par assentiment à ce
que sont autrui et ses normes, et en même temps une certaine soumission à ce
que la majorité (autrui) attend ou est supposée attendre de la personne qui
désire s’intégrer. Ces caractéristiques sont connues dans les parcours des
« transfuges de classe » : la sortie de la condition initiale
est accompagnée d’une certaine fascination pour la classe visée. Elles sont
aussi présentes dans les rapport qu’entretiennent les personnes en situation de
handicap avec la société dans son fonctionnement habituel. Tant qu’il y a
domination (handicapé/valide, élites/peuple), le désir d’intégration reste
présent. Un projet inclusif n’a de sens qu’avec une déconstruction de ces dominations,
condition d’une véritable participation sociale de tous, sans que quiconque
soit exclu en raison d’une position de dominé.
La constellation serait incomplète si n’était pas évoquée la
traduction politique de la visée inclusive en termes d’émancipation. La notion
de participation sociale ne va pas non plus, en effet, sans un positionnement de
la question handicapée sur un plan politique. Le handicap n’est pas une
question de santé, la condition handicapée (Stiker, 2021) est une question
politique qui interroge la véritable place que la société accorde aux personnes
concernées. Ce n’est pas seulement une affaire de moyens de politiques
publiques, mais des fondements et de la détermination de ces politiques
publiques. Cela s’exprime individuellement dans les demandes d’aménagements
raisonnables, et collectivement dans les luttes pour l’accessibilité, la
reconnaissance des représentants ou dans l’advocacy par exemple. Pour
les personnes en situation de handicap activistes aujourd’hui, la participation
sociale n’est pas envisageable sans un renversement des hiérarchies et une
lutte contre les rapports de domination établis entre les valides et les non
valides, ce qui se traduit pas des prises de position antivalidistes. Le
validisme « consiste à introduire une hiérarchie au sein de l’humanité en
fonction d’une norme valido-centrée considérée comme un idéal universel à
atteindre. Les personnes handicapées sont perçues, à l’aune de l’écart à cette
norme, comme des versions amoindries et incomplètes des personnes valides, des
êtres ontologiquement inférieurs, cette essentialisation justifiant leur
position dominée dans la société en la présentant comme le résultat d’une
fatalité biomédicale. » (Morin, 2021). Il constitue, en tant que système
politique et idéologique, un obstacle à la reconnaissance de la place des
personnes en situation de handicap dans la société. La société inclusive est par
conséquent pensée non comme une simple présence, passive et dominée, mais comme
une place revendiquée à égalité avec les valides, sans discriminations et sans
catégorisation essentialisante, enjeu de l’émancipation des personnes en
situation de handicap. La pair-aidance, dans ce cadre, est considérée comme la
reconnaissance de l’expertise des personnes dans l’évaluation des situations de
handicap et des réponses sociales à mettre en œuvre (Gardien, 2017).
Chacun de ces concepts, notions et pratiques, est un passage
obligé par les autres, constituant un modèle écosystémique dynamique favorisant
la reconnaissance des personnes handicapées dans leur place pleine et entière
dans les institutions de la société. Une telle constellation conceptuelle et
pratique constitue une véritable révolution par rapport aux modèles antérieurs
qui ont présidé à la « question sociale » des personnes handicapées.
Ces modèles étaient indubitablement éloignés des et contraire aux postulats,
principes et paradigmes d’action qu’engage ce nouveau modèle. On ne peut donc
s’étonner de voir que ce modèle, celui d’une société inclusive dans tous ses
segments, se heurte à de nombreux obstacles pour son implémentation dans ses
différents segments.
Des obstacles majeurs
L’unanimité du choix politique inclusif et de la
participation sociale est battue en brèche par des réalités qui ne s’y plient
pas : difficile accueil des élèves en situation de handicap à l’école,
taux de non emploi disproportionné par rapport à la population non handicapée,
accessibilité plus que partielle aux espaces publics et de vie, insuffisance de
places en dispositifs spécialisés, etc. L’écart est grand, parfois
insurmontable, entre, d’une part, les discours, les intentions, la volonté
politique et aussi les revendications des personnes en situation de handicap,
et, d’autre part, l’accessibilité effective aux droits, aux institutions
ordinaires, à la participation sociale, à l’autonomie, à des habitudes de vie
satisfaisantes, etc. Cet écart est-il de nature à remettre en question le
paradigme de participation sociale et la perspective inclusive ?
Au regard de telles dichotomies, les réalités pourraient
laisser penser qu’il s’agit d’un leurre ou d’une douce rêverie, tant l’écart
est grand. Mais la grandeur de l’écart est-il dû à l’irréalisme du modèle ou
aux obstacles de toutes sortes qui l’empêchent d’émerger. Car si l’inclusion ne
peut être un dispositif opérationnel, la perspective de participation sociale
maximale peut constituer une utopie, un idéal, qui donne une direction
d’évolution et de changements, qui permet de poser des balises pour la pensée
et l’action, pour les grandes et petites décisions organisationnelles et
professionnelles. L’inclusion et la participation sociale seraient plutôt un
horizon vers lequel on s’achemine, et duquel on se rapproche au fur et à mesure
qu’on met en œuvre des décisions, et qui s’éloigne aussi au fur et à mesure
qu’on s’en approche. L’écart n’invalide pas le modèle, mais il rend plutôt
visibles les obstacles à sa mise en œuvre. Parmi les raisons qui peuvent
expliquer cet écart, peut-être peut-on aussi s’interroger sur la conception et
les modalités de mise en œuvre des politiques inclusives, et sur leur
pertinence quant à un objectif de faire en sorte que vivre ensemble, à égalité
et avec les mêmes droits, puisse devenir la norme dans notre fonctionnement
sociétal.
Le projet inclusif et participatif, loin d’un consensus de
façade, se heurte frontalement à des obstacles autrement puissants, ceux qui
sont présents dans les représentations, les valeurs et les pratiques sociales
de la société qui porte pourtant un tel discours. Comment développer les droits
du travail des personnes en situation de handicap quand les droits des salariés
et autres travailleurs connaissent des restrictions ? Comment développer
l’habitat inclusif quand l’accessibilité des logements est réduite (loi
ELAN) ? Comment promouvoir l’autonomie des femmes en situation de handicap
quand leurs allocations dépendent des revenus de leur conjoint·e ? Comment
scolariser des enfants en situation de handicap quand l’école est sélective et
excluante et que manquent les accompagnants, les enseignants, la formation ?
Le projet participatif et inclusif ne peut se concevoir, pas plus qu’être mis
en œuvre, sans que la société se préoccupe de l’inclusion et de la
participation de tous, et pas seulement des personnes en situation de handicap.
Il pourrait être plus simple, et plus opportuniste,
d’utiliser le terme inclusion, qui peut permettre en définitive de rejeter sur
les personnes concernées la responsabilité de leurs difficultés de
participation sociale, que d’utiliser le terme et de rendre effective la notion
de participation sociale, perspective potentielle d’émancipation, non seulement
des personnes en situation de handicap, mais de tous, condition sans laquelle
une seule catégorie ne peut prétendre y accéder.
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