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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 29 août 2022

faut-il des classes spécialisées ?

Faut-il des classes spécialisées ?

L’argumentation en faveur des classes spécialisées pour enfants en situation de handicap s’est toujours appuyée sur cet argument : « c’est pour leur bien », en masquant souvent l’argument complémentaire : « c’est aussi pour le bien des normaux ». Qu’elles concernent des enfants en situation de handicap (en remontant à l’origine des classes de perfectionnement pour les « arriérés éducables », et l’asile pour les « arriérés non éducables » en 1909) ou des enfants en grandes difficultés scolaires, voire en échec (classes d’adaptation, Section d’enseignement général et professionnel adapté), la ségrégation de ces élèves dans des classes spéciales se justifierait en ce que ces enfants auraient des besoins spéciaux, qui n’auraient rien à voir avec les besoins « normaux ». Il est présumé que les réponses (pédagogiques, éducatives et thérapeutiques) à ces besoins sont par nature, par essence, spéciales ou spécialisées, et que faute de ces réponses les enfants concernés ne pourraient pas se développer. C’est donc pour leur bien !

Un autre discours sous-jacent ne dit pas que l’école serait légitimement faite pour les « normaux », ceux qui tirent profit plus ou moins correctement du fonctionnement scolaire. Participe de ce registre de pensée le souhait (le fantasme) d’avoir des classes homogènes, avec des élèves peu ou prou du même niveau, ou d’avoir de « bonnes » classes dans de bons établissements (c’est l’un des problèmes de la désaffection des postes dans les quartiers difficiles). Toujours pour le bien de chacun. Ces fonctionnements postulent de la légitimité d’une ségrégation, de sa nécessité même, avec par exemple d’un côté les « bons » élèves et de l’autre tous les autres, parfois jusqu’à la caricature dans certains établissements. Avec pour conséquence l’éloignement de l’école de certaines catégories d’enfants : en situation de handicap bien évidemment, mais aussi enfants roms, d’origine étrangère…

Mais avec l’inclusion pourrait-on avancer, tout change ! Pas si sûr ! Pour les enfants en situation de handicap, la ségrégation est bien instituée avec les ULIS (Unités localisées pour l’inclusion scolaire, sous responsabilité de l’Education nationale) et les UEE (Unités d’enseignement externalisées, et quelques autres dispositifs, sous responsabilité de la Solidarité et handicap). Est-ce « pour le bien » de ces élèves ?

De nombreuses études l’ont mis en évidence, une telle organisation dessert tous les élèves écartés ou relégués. Une classe constituée de « mauvais » élèves ne permet pas à ceux-ci de progresser autant que s’ils étaient dans une classe avec des élèves de différent niveaux. Bien au contraire, « l’effet classe » (ou « effet de pairs ») est négatif et les conforte dans leur sentiment d’incompétences supposées et affirmées. « L’effet Pygmalion » se réalise : une classe d’enfants se considérant et considérée comme n’ayant pas beaucoup de capacités progressera moins. Les mettre ensemble c’est mettre des obstacles à leur développement. Par ailleurs, ce type de ségrégation n’a pas d’effet positif non plus sur le plan des apprentissages sur les élèves « ordinaires », sauf l’effet de ségrégation sociale. La ségrégation spécialisée ne fait que refléter, dans l’organisation du système comme dans les postulats idéologiques des acteurs, les missions contradictoires confiées à l’école par notre système scolaire : « trier, sélectionner et assigner les élèves à un destin scolaire, bien davantage que de tirer vers le haut ceux qui sont éloignés de la norme scolaire » (D.GUILBAUD, L’illusion méritocratique, Odile Jacob, 2018)

Il est évident que dans de tels postulats, les classes spécialisées sont évidentes, cohérentes et légitimes. Et l’on comprend comment les incantations inclusives des pouvoirs publics se heurtent à ce substrat idéologique, et conduisent à des impasses et des impossibilités quant à l’inclusion. On est peut-être sur des dispositifs pour chacun (permettant à certains de bénéficier des meilleures filières d’élites, et à d’autres d’être relégués) mais certainement pas sur des dispositifs pour tous, qui accueilleraient tous les enfants dans leur diversité et ensemble. C’est pourtant ces dernières modalités qui définissent l’inclusion.

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