Parler d'inclusion sans parler de handicap
Le terme inclusion est d’abord apparu, au début des années 2000, remplaçant celui d’intégration, pour qualifier la scolarisation des enfants handicapés dans l’école dite ordinaire. Il qualifiait d’ailleurs autant un projet que des dispositifs qui à l’instant d’avant étaient qualifiés d’intégration. Pourtant, autant l’intégration exigeait que l’élève concerné s’adapte aux conditions d’une scolarisation normée, autant l’inclusion, dans son projet et dans son principe, posait le postulat de l’adaptation du système scolaire aux caractéristiques particulières de l’élève handicapé concerné, élargies par ailleurs à d’autres enfants sous la notion de « besoins éducatifs particuliers ». Le substantif inclusion a laissé la place à des notions plus dynamiques et écosystémiques comme processus inclusif, transition inclusive, ou inclusivité, indiquant par là qu’il ne s’agissait pas d’une situation acquise et figée, mais de qualifier un environnement qui se rendait inclusif ou pas. Dans ces différentes dénominations, pendant longtemps, cela n’a concerné que les seuls enfants reconnus handicapés, et les personnes en situation de handicap en général.
Pourtant, la
notion « d’élèves à besoins particuliers » avait tenté de sortir les
élèves dits handicapés d’une catégorisation fermée à laquelle était destinée
l’inclusion, pour affirmer que nombre d’élèves, non caractérisés comme
handicapés, présentaient des besoins d’aides, d’accompagnements,
d’interventions…, l’inclusion étant conçue dans ce modèle comme une réponse
plus large aux élèves rencontrant des difficultés, quelle qu’en soit l’origine.
Malheureusement, la notion s’est recroquevillée sur une nouvelle catégorisation
peu éloignée de celle de handicap.
Pourtant
l’enjeu était de taille. Si l’école n’a de prétention inclusive que pour une
seule catégorie d’élèves, en ciblant ceux qui ont une déficience, un trouble,
des incapacités, en réalité elle est dans l’impossibilité théorique et pratique
d’être inclusive. Son principe même de fonctionnement est perverti. Cela
signifierait laisser de côté des élèves (en difficultés, étrangers, pauvres…) et
agir de manière individuelle pour les enfants en difficultés déclarés
handicapés. Si l’école ne fait pas tout pour inclure, c’est-à-dire fournir les
meilleures conditions d’apprentissage à tous les élèves, elle ne pourra pas non
plus inclure une catégorie spécifique. Si elle ne sait pas, ou ne peut pas,
faire avec des élèves en difficultés « ordinaires », elle sera dans
l’incapacité de faire avec des élèves handicapés, dont certains présentent les
mêmes caractéristiques d’apprentissage que ceux en difficultés. La
différenciation pédagogique (approches, outils, méthodes, supports, contexte,
attitudes…), outil essentiel d’inclusion et d’accessibilité, ne peut s’adresser
qu’à toute la classe, condition de l’inclusion Sinon, on ne peut que se
résoudre à des réponses individuelles, facilement confiées à des spécialistes,
parfois en dehors de l’école : la négation même de l’inclusion. Parler
d’inclusion pour les seuls élèves handicapés est par conséquent une aberration
de la pensée : l’inclusion concerne tout le collectif que constitue une
classe ou un groupe.
Il est ainsi
nécessaire de sortir d’une définition restreinte de l’inclusion appliquée aux
élèves en situation de handicap, pour penser école inclusive pour tous les élèves,
de parler d’inclusion sans parler spécifiquement de handicap. Cela a aussi
comme avantage de « normaliser » (au sens de ne pas établir de
frontières entre « normaux » et « dits handicapés ») les
élèves en situation de handicap. De ne plus leur faire une assignation
permanente exclusive du bénéfice d’aménagements ou de différenciation utiles à
d’autres. Ainsi parler d’inclusion sans parler de handicap décatégorise,
déstigmatise. Si en amont, la formation et l’enseignement sont pensés au
maximum pour tous les élèves, en particulier pour tous ceux qui rencontrent des
difficultés, nombre de dispositifs et d’aménagements seront mis en place au profit
de tous. Il ne restera plus qu’aux élèves et étudiants handicapés qu’à mettre
en place un reliquat d’aménagements exceptionnels. Une école inclusive, marquée
par une conception universelle de la pédagogie, est une école pour tous.
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