biographie

Ma photo
Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 27 septembre 2022

l'inclusion est-elle soluble dans la bienveillance ?

L'inclusion est-elle soluble dans la bienveillance ?

 L’inclusion des élèves en situation de handicap est-elle compatible avec le maintien des inégalités scolaires ? Malgré de nombreuses réformes dont l’objectif se présentait explicitement comme une réduction des inégalités scolaires, la situation n’évolue guère et il apparait même que les inégalités (de chances comme de fait) devant la réussite scolaire s’accroissent, que les déterminismes sociaux face au fonctionnement de l’écrit n’ont pas disparu, que les outils d’action des réformes mettent en place des dispositifs qui vont à rebours de l’esprit (ou au moins de la lettre) de ces réformes. Autrement dit , les enfants disposant de ressources ou d’atouts initiaux (financiers, sociaux, cultuels) sont en meilleures conditions de formation qui les mèneront vers des parcours satisfaisants, tandis que ceux qui n’en disposent pas sont destinés le plus souvent à des difficultés d’apprentissages scolaires, à des échecs de scolarité ou des parcours peu satisfaisants. Comment des enfants, les élèves en situation de handicap, dont on déclare aujourd’hui qu’ils doivent être inclus, peuvent-ils s’inscrire dans des processus aussi inégalitaires ?

La fonction transmissive de l’école, telle qu’elle s’est exercée par le passé, et qu’elle s’exerce encore massivement aujourd’hui, était co-existentielle d’un fonction reproductrice des classes sociales. Les savoirs enseignés, s’ils étaient légitimes, excluaient ceux qui n’étaient pas déjà sensibilisés à ces savoirs, ceux qui n’en avaient pas « l’habitus ». La méritocratie républicaine a certes corrigé le processus, mais seulement à la marge. Autrement dit, l’école traditionnelle, qui ne se préoccupe que de la transmission du savoir, associée à des processus de sélection et de reproduction sociale, a fait la preuve de son incapacité inclusive (ce n’était pas son objet), pour les enfants en situation de handicap comme pour tous les enfants qui ont rencontré ou rencontrent des difficultés plus ou moins importantes dans leur parcours scolaire, et qui appartiennent, le plus souvent à des milieux défavorisés.

Dans ce contexte, la bienveillance pourrait-elle être une attitude permettant de résoudre le problème de la scolarisation pour tous, élèves en situation de handicap compris ? C’est en tout cas un discours que l’on peut entendre ici ou là : « pour accueillir une élève en situation de handicap dans sa classe, il faut (ou il suffit de) faire preuve de bienveillance ». Qui désapprouverait un appel à la bienveillance qui permettrait d’éviter la souffrance, les humiliations, l’ennui, l’absence de reconnaissance des élèves qui rencontrent quelques difficultés, ou qui ne sont pas conformes aux exigences de l’école ?

Mais la bienveillance adaptée à ce genre de situations et dans un tel contexte de fonctions de l’école recèle ses propres pièges. Que peut bien signifier la bienveillance dans une pratique transmissive et sélective ? Le plus souvent cela va se traduire par une baisse fataliste des exigences. La bienveillance peut prendre la forme d’une simple tolérance qui se traduit, en termes d’apprentissages, à abandonner les objectifs fondamentaux relatifs aux compétences de base : « de toutes façons, il est handicapé, il ne peut pas apprendre autant que (ou comme) les autres ». Cette bienveillance traduit plutôt l’abandon d’un projet d’égalité de chances pour les apprentissages. C’est une exclusion de l’intérieur, où les plus en difficultés par rapport à la transmission des savoirs, dont les élèves en situation de handicap, sont en définitive laissés pour compte, abandonnés à leurs incapacités et à leurs difficultés. Le moins que puisse faire un système sélectif et élitiste est de ne pas faire souffrir et exclure brutalement des élèves. Mais ce sont de bien piètres ambition et éthique éducatives.

A l’inverse, la bienveillance peut se traduire aussi par un fonctionnement pédagogique de différenciation, avec des exigences d’apprentissage mises en conséquence. Mais, ici il vaudrait mieux parler d’éthique éducative de développement d’un élève, la bienveillance consistant dans les modalités plutôt que dans l’abandon d’exigences. La bienveillance, nécessaire et incontournable, ne doit pas servir de masque à un manque d’ambition éducative et à la pérennisation d’une sélection excluante.

Télécharger l'article

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire