Quand la santé régit l'inclusion scolaire
La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié en septembre 2021 une recommandation de bonnes pratiques : Accompagner la scolarité et contribuer à l’inclusion scolaire. On aurait pu s’attendre à ce que des bonnes pratiques concernant la scolarisation d’enfants, fussent-ils handicapés, était du ressort des institutions chargées de l’éducation dans le pays. On peut donc s’étonner que ce soit un organisme de santé qui soit à l’origine d’une telle recommandation. En Europe et dans la plupart des pays, ce sont des organismes d’éducation qui donnent de telles orientations quant aux politiques éducatives, qu’il s’agisse d’enfants « normaux » ou d’enfants « différents », dont ceux en situation de handicap. Même si par prudence, la HAS priorise ses destinataires dans le secteur médico-social, dans lequel le ministère de le Santé est souverain, il est évident à la lecture du document et de son argumentaire, qu’il s’agit bien d’orientations éducatives, et de choix de politiques éducatives. Ainsi, d’une certaine manière, par le biais de l’accompagnement à la scolarisation des élèves handicapés, les politiques éducatives sont-elles régies par une approche sanitaire ou de santé.
Si l’on voulait prendre une comparaison sur le plan macro,
peut-on imaginer que la commission des droits des personnes handicapées, mise
en place dans le cadre de la Convention pour les droits des personnes
handicapées à l’issue de longues luttes des organisations de personnes
handicapées pour sortir d’une emprise médicale, soit rattachée à l’OMS
(Organisation mondiale de la Santé) plutôt qu’à l’organisme central de
l’ONU ? Non bien évidemment ! Son rattachement à l’OMS serait
incongru dans le contexte politique des droits des personnes handicapées,
autant que l’est cette recommandation concernant les politiques éducatives et
de scolarisation (des enfants handicapés) par la HAS.
Il n’est pas question de juger ici le contenu de la
recommandation de bonnes pratiques (il y a des recommandations remarquables, et
des analyses justes). Mais de s’interroger sur la pertinence de l’origine
« sanitaire » de la recommandation, à savoir un organisme de santé.
Que ce soit la HAS qui produise un tel document, après des milliers de pages
d’autres bonnes pratiques dans le champ social et médico-social, ne fait que
confirmer les critiques émises par les rapporteurs de la commission des droits
de l’ONU concernant l’application des droits de la Convention en France (un
premier rapport en janvier 2020, un second en septembre 2021) : la France
est restée attachée, à rebours des choix internationaux concernant l’approche
des situations de vie des personnes en situation de handicap, à une approche
médicale des problématiques, qui se manifeste à cette occasion par ce type de
publication par la HAS. L’injonction de la commission à changer de modèle et
d’approche s’oppose au monopole de la Santé (ministère, HAS et bien d’autres
institutions, ARS…) à régir les politiques publiques du handicap, jusque dans
le champ de l’éducation.
Même si la recommandation prétend s’inspirer d’un modèle
écologique qui « analyse le comportement des individus en tenant compte
de l’influence réciproque entre ses caractéristiques personnelles et les
multiples systèmes de l’environnement dans lequel il évolue » (p.10),
le positionnement de santé renvoie, au moins dans sa lecture sociale, à une
approche qui assigne le handicap comme problème individuel de santé (maladie,
déficience, trouble, incapacités), et non comme un problème social (production
conjointe de l’interaction entre la personne et son environnement) et encore
moins comme un problème politique en tant que processus de domination comme
l’avance aujourd’hui le courant antivalidiste.
Si bonnes pratiques il doit y avoir dans la scolarisation et
dans l’accompagnement à la scolarisation, plutôt que de chercher des réponses
chez les experts de la santé, il vaudrait mieux chercher des réponses parmi les
experts de la scolarisation, qu’ils soient acteurs directs ou accompagnateurs,
ceux-ci fussent-ils du secteur médico-social. Le changement en serait plus
légitime dans l’éducation.
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