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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 24 janvier 2022

UEE : accessibilité ou enclave du système éducatif

UEE : accessibilité ou enclave du système éducatif

Les Unités d’Enseignement Externalisées (UEE) formalisées réglementairement en 2016, sont les dispositif de scolarisation initialement situés à l’intérieur des IME et autres établissements spécialisés, et désormais situés, en fonction de certains objectifs et sous certaines conditions, au sein des établissements scolaires. Une forte pression s’exerce, dans le secteur médico-social et dans l’Education nationale (mais il faut rappeler toutefois que l’Education nationale n’était pas signataire du cahier des charges des UEE), pour faire croître le nombre d’UEE, comme attestation et témoignage de l’avancée de l’inclusion scolaire dans le système éducatif et de la désinstitutionnalisation voulue par les politiques publiques. Mais les UEE répondent-elles vraiment à ces caractéristiques d’accessibilité du système éducatif, ou sont-elles, comme en fait l’hypothèse Hugo DUPONT dans son ouvrage Déségrégation et accompagnement total (PUG, 2021), des enclaves spécialisées médicosociales au sein du système éducatif ?

Leur dénomination, en premier lieu, porte à ambiguïté. Si ces unités sont externalisées dans un établissement scolaire, elle le sont de quelque part, d’ailleurs, d’un autre système ou institution. Fondamentalement, c’est cet autre quelque part qui marque leur origine et leur appartenance ; elles peuvent donc y revenir en mettant fin à une externalisation. Accueillir chez soi quelqu’un qui est externalisé de chez quelqu’un d’autre n’enlève par la référence à ce quelqu’un d’autre ; c’est signifier symboliquement à l’externalisé qu’il n’est pas véritablement chez soi, ni chez lui. La dénomination aurait gagné à être plus inclusive : unité d’enseignement « internalisée » ou «  en établissement scolaire » : le caractère « étranger » eut été ainsi au moins un peu euphémisé.

Sur le principe même, un tel dispositif constitue une avancée, certes contrainte puisqu’elle répond aux manques d’évolutions, depuis la loi de 2005, dans l’inclusion des élèves en situation de handicap et à une trop grande lenteur de la désinstitutionnalisation. De la sorte, des enfants initialement scolarisés (mais pas toujours à temps complet, loin de là) en dehors du système éducatif fait pour les autres élèves peuvent se trouver désormais dans les mêmes murs que les autres enfants de leur âge, sur des durées qui peuvent représenter au moins la moitié d’un temps scolaire. Ils peuvent ainsi partager, théoriquement, les mêmes processus de socialisation que les autres, et même parfois des temps d’apprentissage scolaires avec les enfants des classes dites « ordinaires ». Ils ne sont plus invisibilisés, ailleurs dans un système à part, au regard des autres élèves et des professionnels de l’établissement scolaire. Ils sont là, présents, et c’est déjà beaucoup comparativement à la ségrégation dans laquelle ils se trouvaient en IME. A ce niveau, il y a bien une certaine déségrégation (Dupont, op. cit.)

Est-ce pourtant une véritable accessibilisation des enfants en situation de handicap au système éducatif ? Les conditions de mise en œuvre en font douter. L’UEE reste un dispositif marginal du système éducatif. Il n’y a pas d’inscription des enfants dans les listes d’élèves de l’établissement, ce qui signifie que toute inclusion d’un élève représente un sureffectif dans un effectif déjà souvent chargé. Par ailleurs, l’accueil d’un enfant en situation de handicap dans une classe n’est pas spontané. La réticence de nombreux enseignants, et les exigences posées, font obstacle ; le plus souvent l’accueil n’est possible qu’après de longues négociations avec l’administration et les enseignants. Et lorsque se pose le moindre problème (discipline, absence d’AESH…) la solution est la plupart du temps renvoyée à la responsabilité de l’institution spécialisée. Sur ces différents aspects, et sur bien d’autres (jusqu’à l’oubli de les comptabiliser pour la cantine !), une UEE reste une enclave spécialisée au sein d’un établissement scolaire, enclave administrative, sociale et pédagogique) qui sous-traite en quelque sorte la mission du système éducatif.

Loin d’être une manifestation de l’évolution vers une école inclusive, les UEE ne sont en définitive que des pis-aller d’une déségrégation, d’une déghettoïsation, éloignée toutefois d’une école inclusive.

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