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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 17 mars 2021

SERAFIN-PH : le point aveugle de la réforme

SERAFIN-PH : le point aveugle de la réforme

La réforme en cours du secteur médico-social, SERAFIN-PH (services et établissements : réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées), tente de résoudre les problèmes actuels de l’insatisfaction des accompagnements et de l’inadéquation des financements. Pour cela, la réforme s’appuie sur une mise en correspondance entre une nomenclature des besoins des personnes et une nomenclature des prestations des établissements et services, préalable à la détermination d’un financement des prestations. Le principe n’est pas contestable : il s’agit bien d’améliorer les parcours des personnes en situation de handicap et leurs accompagnements, en même temps que de rendre adéquat à leurs besoins les prestations et leurs financements.

Cependant, la réforme en question s’appuie sur des choix, en partie non explicites, de modèles conceptuels, qui installent des points aveugles susceptibles d’instaurer des limites sévères à la réforme et aux évolutions souhaitables. L’un de ces points aveugles se situe sur le fait que les prestations sont censées répondre aux besoins des personnes handicapées, mais de ce fait, celles-ci ne sont définies que par une somme d’items, ou une nomenclature, de besoins. En définitive, elles sont même quelque peu réduites à cette somme de besoins. Ceux-ci sont définis, dans le modèle conceptuel qui préside à l’élaboration de la réforme, comme l’écart existant entre la situation d’une personne ayant une déficience ou une incapacité et la situation d’une personne « normale ». Cela revient à définir les personnes en situation de handicap relativement à cet écart, et au moyen de le combler.

Il n’y est nullement question des droits auxquels pourraient prétendre les personnes en situation de handicap, conformément à la convention sur les droits des personnes handicapées (CDPH) des Nations unies. Il n’y est nullement question des obstacles non seulement individuels mais sociaux ou environnementaux à la réalisation des habitudes de vie ou à l’exercice des rôles sociaux. Cette entrée par les besoins est issue d’une référence pérenne à un socle conceptuel sanitaire et paramédical. Certes la notion de santé qui constitue l’axe de référence, est élargi et étoffé aux besoins d’autonomie et de participation sociale, conçus comme une extension d’une problématique de santé selon la définition de celle-ci par l’OMS. Mais cette approche est dans l’incapacité d’affirmer tant l’exercice des droits universels (dont celui d’autonomie, qui en devient un droit, non un besoin), tant les conditions nécessaires à l’exercice des habitudes de vie.

On peut illustrer un tel point aveugle avec l’exemple des Sourds. Lorsque l’on approche la situation des sourds selon la nomenclature des besoins, on identifie l’écart (celui de l’audition) et les réponses de réduction de l’écart s’avèreront la plupart du temps médicales, comme cela se passe aujourd’hui : prothèse ou implantation cochléaire, rééducation précoce pour entendre et parler selon les modalités orales, afin de rejoindre les normes entendantes. Si l’on se situe dans la compréhension des obstacles à l’accès aux droits universels et à la réalisation des habitudes de vie et des rôles sociaux, c’est une toute autre réponse que l’on peut apporter : accès à une langue fonctionnelle (la langue des signes), accessibilité de l’environnement par l’interprétariat, éducation appropriée, etc. Les prestations à apporter ne sont plus de même nature que lorsqu’on se réfère à la nomenclature des besoins « de santé » de la réforme. Parmi les prestations en question, celles qui sont relatives l’amélioration des perceptions auditives ou la mise en place d’une langue orale selon les possibilités sont tout à fait réalisables bien évidemment, afin de faciliter la vie dans un monde fait par et pour des personnes qui entendent. Mais d’autres réponses/prestations sont également à trouver, de façon à faire respecter les droits et favoriser la participation sociale, autrement qu’en pensant qu’il s’agit de besoins pour accéder aux normes dominantes.

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