Handicap, travail et emploi
Le taux d’emploi des personnes en situation de handicap est préoccupant. Celui des personnes non handicapées l’est aussi, et encore plus dans la situation de crise sanitaire et sociale que nous continuons à vivre. Mais celui des personnes en situation de handicap est de l’ordre du double de celui des personnes non handicapées, et la croissance de leur non emploi est beaucoup plus forte que celle des autres. Par ailleurs, les taux de sortie des ESAT (établissements et services d’aide par le travail) vers le travail « ordinaire » est en chute importante : les travailleurs handicapés qui y travaillent savent qu’ils y passeront leur vie professionnelle. Pendant que certains travailleurs qui n’en peuvent plus du travail et de ses conditions « espèrent » une reconnaissance en qualité de travailleur handicapé (RQTH) pour pouvoir prétendre à entrer dans un ESAT.
Tous ces constats posent de manière cruciale la question de
l’inclusion, ou plutôt d’une société inclusive qui tolère ce genre de
situations depuis des années, et qui même laisse cette situation se dégrader.
Et pourtant, de nombreux efforts ont été faits, depuis les grandes mesures de
1987 : réglementations nombreuses, mises en place de mesures incitatives
ou contraignantes, sensibilisation des acteurs, dispositifs de formation, de
maintien dans l’emploi, d’insertion et de réinsertion, …
Pour que les choses changent, il y faudrait plusieurs
conditions, fondamentales. Il y faudrait tout d’abord des choix politiques
clairs de solidarité pour que la société fonctionne mieux sur les principes de
fraternité et de solidarité. Or la solidarité en tant que choix politique n’est
plus : il n’est que de voir les discours convenus sur les cotisations sociales
considérées aujourd’hui comme des charges indues et pesantes face à la liberté
(d’entreprendre, de faire des profits, de choisir son « assurance »,
etc.) là où elles étaient considérées auparavant comme le signe et l’instrument
de la solidarité.
Faute de ce choix de solidarité, encore pourtant affirmé
dans certains discours sur les personnes en situation de handicap mais à
rebours des actes et de la réalité, la solution est de se tourner vers les
réponses individuelles que l’on voit proliférer dans les appels aux dons, les
solutions individuelles et individualistes de parrainage, et dans le Duoday
pour ce que concerne le travail et l’emploi. L’accueil d’une personne en
situation de handicap pour une journée dans son milieu de travail est la
manifestation individuelle de notre solidarité et de notre liberté, ce qui nous
confère de la grandeur. Mais ce n’est en définitive qu’une nouvelle modalité de
l’ancienne charité chrétienne envers les démunis, des « bonnes
œuvres », quand il s’agissait par cette action de sauver sa propre âme en
faisant la charité. Aujourd’hui il ne s’agit plus de que manifester ses
convictions par un acte de générosité individuelle et ciblée, et qu’il s’agit
bien sûr de communiquer.
Mais, et c’est l’autre condition fondamentale, le travail est
devenu aujourd’hui une « institution » excluante et sans solidarités.
Le monde du travail, et les conditions pour accéder à un emploi, sont
aujourd’hui à l’inverse de la solidarité et de la tolérance à des personnes
différentes. Si l’on exclut quelques situations ou des personnes en situation
de handicap sont d’excellentes sources de profits (des autistes
« Asperger » dans une start-up d’informatique), la plupart du temps,
les conditions de travail (rapidité, adaptabilité, flexibilité, performance,
image, compétitivité, agilité, responsabilité, etc…) sont excluantes pour des
personnes en situation de handicap. Les difficultés des conditions de travail
s’expriment aujourd’hui tant par les souffrances au travail (souffrances
physiques et psychiques dues aux nouvelles contraintes et nouveaux
fonctionnements) mais aussi par les modifications des organisations de travail
(ubérisation, régression des droits,..) Dans ces conditions il y a un certain
paradoxe à vanter l’emploi des personnes en situation de handicap et à faire en
sorte que les conditions d’emploi se dégradent.
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