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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 3 février 2021

intelligence professionnelle ou perte de sens

Intelligence professionnelle ou perte de sens

Dans la pensée courante aujourd’hui, nonobstant les discours bisounours sur le management « progressiste », on prétend vouloir changer les pratiques professionnelles à partir des changements des organisations. Ainsi, dans le secteur médico-social, les pratiques d’accompagnement qui se substituent aux pratiques de prise en charge ne se conçoivent-elles que comme le résultat des évolutions des organisations qui les mettent en œuvre. Ainsi les plateformes de services se substituant aux institutions traditionnelles doivent-elles être à la source et à l’origine de changement de pratiques mettant l’accent sur la personnalisation des parcours, la planification individualisée des services et l’accompagnement dans le milieu ordinaire.

Cette approche relève d’une conception politique tout à fait typique de ce que l’on observe dans l’ensemble de la société : ce sont l’expertise (selon des impératifs économiques et comptables) et les règles administratives (recommandations, injonctions, évaluations, contrôles) qui constituent l’armature de toute la vie d’une organisation. Le management est là pour finaliser et rendre possible ce choix idéologique et politique, sous des formes qui se veulent aujourd’hui plus soft (management bienveillant, humaniste, démocratique, etc…), mais qui n’en confirment pas moins une vérité implacable : le pilotage de l’organisation est réalisé par des experts du pilotage des organisations, quels que soient les buts et les contenus de l’activité de l’organisation.

Les acteurs de l’organisation, ceux qui réalisent les buts et les activités de l’organisation, qu’elles soient nommées « petites mains » ou professionnels, sont soumis à cette priorité qu’est le fonctionnement de l’organisation. Il ne faut donc pas s’étonner si ces professionnels ne trouvent plus de sens à leur travail et que cela ait pour conséquence d’une part les phénomènes de souffrance au travail (stress, burn-out, démotivation, etc.) et d’autre part un surcroit de techniques managériales tentant de contrer les effets sur les professionnels (jusqu’à la mise en place d’happiness managers). Les professionnels de l’activité, les cœurs de métiers, sont ainsi dépossédés du sens de ce qui fait l’activité elle-même, étant en quelque sorte dans un espace périphérique d’une organisation autocentrée sur les problématiques d’organisation, lors même et d’autant plus que les discours affirment au contraire qu’ils sont au centre des organisations.

La réforme en cours de SERAFIN-PH (services et établissements : réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées) illustre parfaitement cette approche. La réforme a pour objectif d’établir et de mettre en correspondance une nomenclature de besoins avec une nomenclature de prestations dans le but d’une rationalisation des financements, avec comme effets attendus (et vérifiés dans une première approche) de modifications dans les pratiques d’organisation des services et des pratiques professionnelles.

Mais peut-être peut-on voir les choses par l’autre bout de la lorgnette ? Si c’étaient aux faiseurs d’activité, aux professionnels de terrain, d’élaborer eux-mêmes les changements nécessaires, avec comme première préoccupation non pas la réforme du financement, mais des changements de pratiques concrètes avec les usagers. Les experts et technocrates répondront que les habitudes ne changent pas si facilement, et que l’on ne peut compter sur les professionnels pour évoluer par eux-mêmes (ce qui constitue le déni habituel de tout fonctionnement démocratique). Mais faire confiance aux professionnels (en allant jusqu’au bout des principes désincarnés du management) présenterait l’avantage qu’ils puissent redonner eux-mêmes du sens à leur travail. Bien évidemment il y faudrait de la formation. Non pas une formation de soumission aux recommandations, préconisation, injonctions, contrôle d’un fonctionnement technocratique. Mais une formation approfondie d’intelligence professionnelle sur l’effectivité des droits des personnes en situations de handicap, sur les approches sociales et participatives du handicap, sur l’éthique de l’accompagnement, etc.

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