Dur, dur, d'être pour l'inclusion !
Affirmer qu’il est difficile d’être favorable à l’inclusion
des élèves en situation de handicap est étonnant (ou provocateur) au regard de
l’unanimité officielle et des revendications des personnes concernées en faveur
de l’inclusion ; au regard aussi de ce qui signifie un environnement
inclusif (l’école) en matière d’accès et de reconnaissance des droits des
élèves concernés. Sur le plan des « valeurs », la société inclusive
et l’école inclusive constituent l’horizon partagé par (presque) tous. A
condition qu’il s’agisse bien de valeurs, de postulat de reconnaissance
d’égalité de droits de tous, un horizon à atteindre et un repère pour mettre en
place des actions la favorisant.
C’est lorsque l’inclusion est instrumentalisée pour de
toutes autres raisons ou pour de tous autres objectifs qu’on peut s’interroger
et même s’inquiéter, davantage d’ailleurs sur ses modalités de déploiement et
de développement que sur le principe lui-même, au risque aussi de passer d’une
critique des modalités à une critique, voire un refus, des principes.
L’école, nous dit-on, est inclusive, sous réserve de
quelques ajustements marginaux (c’est le discours « langue de bois »
officiel). Le gouvernement actuel se targue d’avoir beaucoup fait pour
favoriser la scolarisation des élèves handicapés : augmentation des
embauches des AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap) et
formation de ceux-ci (70 heures), réorganisation des accompagnements par
l’organisation des PIAL (pôles inclusifs d’accompagnement localisés),
augmentation du nombre d’élèves handicapés scolarisés, formation des
enseignants…. De quoi afficher une ambition d’un grand service public inclusif.
La présence sur le terrain dévoile un autre visage, une autre
réalité, un autre rapport à l’inclusion. Reprenons ces réalisations. Le nombre
d’embauches d’AESH a augmenté : oui, c’est vrai ; mais dans le même
temps, le nombre d’Emplois Vie Scolaire, d’Aides Vie Scolaire ou de contrats
aidés, qui tous accompagnaient des élèves handicapés, a diminué de presque
autant. Les AESH ont désormais 70 heures de formation : c’est vrai,
quoique ces heures laissent fortement à désirer ; mais cela était déjà le
cas avant les dernières réformes. L’accompagnement par les AESH a été
réorganisé (« optimisé » dans le langage technocratique) dans les
PIAL : c’est vrai ; mais cela permet à un ou plusieurs AESH
d’accompagner un plus grand nombre d’élèves, en se répartissant les moyens
(parfois une heure par semaine là où le besoin est supérieur), avec en
définitive moins d’heures pour chacun ; mais le décompte administratif
comptabilise cet élève, avec son heure d’accompagnement, comme élève inclus.
De cette façon, il est facile, et trompeur, de se féliciter
et de se satisfaire de l’augmentation du nombre d’élèves handicapés scolarisés.
D’autant plus qu’un certain nombre d’élèves étaient déjà scolarisés dans
l’établissement scolaire avant d’avoir une notification de la MDPH : à
partir de cette décision, ils abondent au nombre d’enfants handicapés
scolarisés, même s’ils n’ont que des miettes d’accompagnement. De même que des
enfants qui ne peuvent avoir qu’au mieux deux heures d’accompagnement par jour
(avec accompagnement) sont également comptés au nombre des enfants handicapés
scolarisés. Quant à la formation des enseignants, en dehors de quelques effets
d’annonce, elle reste famélique dans ce domaine.
Face à de tels obstacles à l’inclusion, véritable muraille
inaccessible pour ceux qui en sont les acteurs, on peut comprendre que nombre
d’acteurs, enseignants, AESH, deviennent réticents face à l’inclusion, synonyme
d’une mauvais qualité de scolarisation ; que l’inclusion, mot d’ordre
politique prétexte d’une dégradation des conditions des enfants handicapés et
des conditions d’exercice des professionnels, devienne une notion dont certains
ont lieu de se méfier, rejetant par le fait même une bien belle idée
d’émancipation des personnes en situation de handicap. Dur, dur, d’être
favorable à l’inclusion !
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