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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 22 novembre 2019

le stigmate dans la peau

Le stigmate dans la peau

Chloé a sept ans. Le diagnostic de sa déficience ou de ses troubles est relativement indéterminé. Toujours est-il qu’elle se trouve dans des situations de handicap complexes relativement à la communication (elle s’exprime très peu et très mal, mais elle comprend quand on s’adresse à elle), aux apprentissages cognitifs (retards et difficultés) et à la relation aux autres (attitudes et comportements pas toujours ajustés socialement). C’est une petite fille qui déstabilise de manière importante les professionnels, et d’autant plus qu’il manque des connaissances sur les raisons et les causes de cette situation.

Cette petite fille a eu une orientation en ULIS, et elle a été scolarisée dans un dispositif accueillant des enfants ayant une déficience auditive et des enfants présentant des troubles du langage (dysphasies). Dans le cadre du projet d’école, qui organisait des décloisonnements entre les classes, y compris avec l’inclusion des élèves de l’ULIS, Chloé s’est retrouvée, pour des raisons organisationnelles (créneaux de décloisonnement, contraintes des créneaux de soins…) dans un temps d’initiation à l’anglais.

Elle était également accompagnée par un service de soutien. La psychologue de ce service, partageant l’inquiétude des professionnels par rapport à Chloé et à ses possibilités de participer à un décloisonnement dans ces conditions, va observer l’élève en classe et « diagnostique » qu’elle est en souffrance lorsqu’elle est hors de l’ULIS, c’est-à-dire en inclusion en classe avec des enfants ordinaires. Elle pointe des signes manifestes (balancements, se cogne un peu la tête) et décrète par conséquent, sur la base de son expertises professionnelle, qu’il faut l’enlever de ce temps d’inclusion pour la remettre à temps complet dans l’ULIS.

Le discours des parents n’est pas le même : ils voient leur fille rentrer heureuse de l’école, et … babiller et chantonner les comptines anglaises apprises pendant ce temps, et en être très heureuse. Et ils ont l’intuition, dans une approche plus écologique de la situation de Chloé dans l’environnement scolaire qu’elle est heureuse dans l’école, et au moins autant dans les temps d’inclusion que dans les temps de dispositif spécialisé, où les choses ne se passent pas toujours bien. Ils ne sont pas certains qu’elle fasse des apprentissages dans les formes requises (mais de toutes façons personne ne sait encore comment les optimiser), et ses relations avec les autres (y compris les enfants « ordinaires » qu’elle fréquente) se sont plutôt améliorées. De l’avis également des professionnels non spécialisés (enseignant, AESH) Clara n’apparait pas en souffrance dans ces différents contextes d’inclusion.

Mais alors pourquoi un tel « diagnostic » expert ? On peut penser que le diagnostic est la projection d’une représentation subjective de la psychologue, qui consisterait en une équation : situation de handicap = déficience ou handicap = vulnérabilité. A partir de cette équation, la réalité, l’observable e l’observé, vont être lus sur ce registre d’explication, sur cette episteme dirait Michel Foucault. Il y a une attente d’une souffrance, puisqu’une personne vulnérable peut être parfois en situation de souffrance dans son environnement qui n’y est pas attentif, et ainsi apparaitront des signes de souffrance. Ce n’est plus la déficience qui détermine une conséquence sociale, ce sont les caractéristiques ontologiques et les stigmates attribués aux personnes qui ont une déficience qui amènent mécaniquement à des conséquences sociales, ici celle de la souffrance. (Cette « évaluation » va d’ailleurs conduire à une orientation en établissement spécialisé).

Dans ce paradigme, le monde ordinaire prend une configuration de repoussoir, de danger, auquel il faudrait soustraire des victimes vulnérables. Sans comprendre que cette vision est l’expression d’un modèle de pensée défectologique, en contradiction avec d’autres visions, plus écosystémiques.

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