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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 18 novembre 2019

clients, usagers, changements...

Clients, usagers, changements ...


Echo des évolutions des mentalités, l’action médico-sociale s’inscrit de plus en plus en termes de prestations, et les personnes bénéficiaires deviennent des usagers clients. Des préoccupations institutionnelles de places, on passe à un recentrage sur les bénéficiaires avec la notion d’accompagnement. Dans ces évolutions organisationnelles et de relations professionnelles, l’usager/client tient une place légitimement de plus en plus importante, formalisée par exemple par le projet personnalisé ou la contractualisation. Il va sans dire que, dans ce contexte, l’avis, les besoins, les demandes et les choix de l’usager comptent. Il va sans dire aussi que dans ce cadre les « institutions », établissements et services, doivent impérativement satisfaire les usagers dans la mesure maximale du possible, jusqu’à se « désinstitutionnaliser ». Mais on peut souscrire à ces évolutions pour de bonnes ou de mauvaises raisons.


Parmi les « mauvaises » raisons, il y a celle qui voudrait réduire et assimiler, sur un postulat idéologique, les rapports humains à celui de consommateur/client. Il ne faut pas avoir peur du mot « client » nous dit-on, injonction assortie d’un jugement moral reléguant aux horreurs d’un passé révolu toute résistance à utiliser le terme. Effectivement, ce que met en avant l’utilisation de ce terme, c’est la préoccupation première de faire valoir les droits de la personne, de prendre en compte ses besoins et ses souhaits, de lui permettre de développer son autonomie et son « empowerment », et de mettre les professionnels au service de ces personnes. A ce titre, le terme opère une rupture radicale avec les pratiques antérieures où les actions étaient organisées du point de vue des institutions et des services dont ils étaient dotés, sans véritablement se préoccuper du point de vue des personnes. Témoignait de cette posture le principe de justification suivant : « C’est pour leur bien !».

Mais un homme n’est-il qu’un client ? La généralisation de la réduction de l’humain à un rapport client/fournisseur de prestations passe à côté de la complexité de la vie humaine. Elle développe une définition de l’humanité comme un ensemble de consommateurs porteurs de droits, ce qu’elle est indéniablement. Mais ce n’est peut-être pas cela qui est en mesure de faire société. La citoyenneté par exemple ne peut se satisfaire de cette vision hémiplégique de l’homme : celui-ci a certes des droits, fondamentaux, mais aussi des devoirs, fondamentaux également. L’hypertrophie de l’individu, révélée par la notion de client, ignore les devoirs qui font société. Une orientation de la philosophie de l’intervention médico-sociale dont la base est l’individu considéré comme client d’un monde conforme aux diktats économiques dominants s’interdit de penser les conditions d’un vivre ensemble et d’une société inclusive.

Il est aussi une autre raison, utilitariste et parfois cynique, à ces orientations : les institutions coutent cher, et leur transformation en services constitueraient une économie substantielle. En tout cas, c’est ainsi que des décideurs et technocrates présentent les choses. Mais l’expérience montre aussi que lorsqu’une telle orientation est réalisée avec la volonté première de rendre les choses moins coûteuses, c’est généralement avec des conséquences désastreuses. L’exemple de la transition de la scolarisation en établissement spécialisé vers une scolarisation en milieu ordinaire, avec des coûts revus à la baisse, témoigne de l’impasse des mauvaises raisons de ces évolutions.

Il est bien dommage que de telles mauvaises raisons nuisent à l’effectivité de changements nécessaires à la meilleure reconnaissance des personnes en situation de handicap, et pire, deviennent dissuasives pour des acteurs (parents, professionnels) qui pourtant pourraient y souscrire.

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