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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 25 octobre 2017

peau sourde, masques entendants

Peau sourde, masques entendants

Frantz Fanon, un psychiatre français qui a exercé dans l’Algérie d’avant l’indépendance, dans l’Algérie colonisée, a réfléchi sur les rapports entre l’homme de couleur, colonisé (« nègre », antillais, arabe) et les maladies psychiatriques. Il a aussi réfléchi sur les rapports, extériorisés ou intériorisés, entre « l’homme blanc » et les hommes, de couleur, colonisés, réflexion qui constitue le sujet de son ouvrage : « Peau noire, masques blancs » (1952, réédition Le Seuil 2001). L’homme de couleur est dans un rapport social surdéterminé, qui le dote d’attributs « naturels » au regard de l’homme blanc, ce qui constitue, dit Fanon, l’essence du racisme. Extrapolée à la situation de la surdité (les Sourds et la majorité entendante), le rapport social décrit par F. Fanon pourrait être tout à fait pertinent pour tenter de comprendre les rapports sociaux existant encore aujourd’hui dans ce domaine.

Une fois la déficience affirmée, le handicap statué, « on » (la majorité entendante) attend des personnes ainsi caractérisées des traits, des attributs, des aspects, des propriétés censément attachées aux personnes ainsi définies. On les dote même par avance des attributs dont on va attendre, voire guetter, les manifestations, souvent d’infériorité. Leur identité déficiente est là par avance, et elle va être attendue au tournant, les personnes concernées sont précédée de leurs identités de déficience. L’attente en question porte aussi bien sur les attitudes et comportements (stéréotypes, défauts de compréhension, dogmatisme, absence d’ouverture aux entendants, etc.) que sur les capacités (difficultés cognitives à l’abstraction, limitations scolaires, difficultés relationnelles, etc.).

Leur expression (individuelle ou collective, surtout collective lorsque celle-ci portera sur des problématiques identitaires) sera décriée. Ou plutôt on tentera de la délégitimer, en particulier sous le prétexte de l’identitarisme, du ghetto : ils n’auront pas en définitive le droit de se dire, ils seront toujours dits en fonction de leur déficience. On attendra d’eux qu’ils se conforment aux codes entendants (dominants) pour avoir une reconnaissance sociale (« c’est quand même mieux de maitriser la langue orale pour être intégré quand on est sourd »).

Cette très forte attente a fait que des sourds ont fini par se conformer à ce que l’on attendait d’eux : c’était le cas en particulier lorsque la langue des signes était honteuse, même pour certains sourds, ou lorsque certains d’entre eux adhèrent à la mise à l’écart de la langue des signes, ou encore lorsque des jeunes sourds s’auto-limitaient dans leur parcours de scolarisation et d’apprentissages (les sourds, c’est bête !). Les noirs, disait Fanon, pour être aimés des maitres, devaient détester ce que détestaient leurs maitres, c’est-à-dire leur « négritude ». Les sourds devaient détester leur surdité pour complaire aux attentes des entendants.

Mais les sourds ont pu revendiquer une identité dans laquelle pourtant ils étaient dédits. Ils ont pu renverser le stigmate de la déficience pour construire une identité positive sur les ressources de leur langue, de leur culture, de leurs capacités. De la même manière, F Fanon s’est revendiqué comme Nègre, il s’est construit une confiance en soi sur la dignité de son identité. « Je suis nègre et je vous emmerde ! » disait Aimé Césaire, l’écrivain et poète de la négritude. En filant la comparaison, que pourraient donc dire les Sourds à ce propos ?

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