Un plaidoyer pour la ségrégation
Depuis quelques semaines, il y a une certaine effervescence
dans les Instituts Nationaux de Jeunes Sourds ou de Jeunes Aveugles (INJS ou
INJA). La raison en est que ces établissements, qui ont à l’heure actuelle un
statut très particulier, soient soumis aux mêmes règles que les autres
établissements médico-sociaux, y compris ceux qui accueillent les jeunes sourds
ou jeunes aveugles. Ceux-ci sont sous la gouvernance des ARS (Agences
Régionales de Santé), alors que les INJS et INJA, s’ils sont bien financés à
environ 60 % sous responsabilité des ARS, sont hors de leur responsabilité, le
reste de leur budget (celui de l’enseignement) provenant d’un financement
d’Etat (qui n’est pas celui de l’Education nationale). Et il semblerait
qu’aujourd’hui, les pouvoirs publics veuillent mettre les INJS et INJA au
régime commun.
Notons que dans ce régime commun, il y a une particularité,
celle d’un financement de l’enseignement par l’Assurance Maladie, sous
responsabilité de l’ARS, ce qui ne peut manquer d’étonner dans le paysage (national
et européen) d’une école inclusive.
L’intersyndicale se met vent debout contre cette évolution
(voir ASH n° 2977, du 30 septembre 2016). Au-delà de la crainte d’une
diminution de moyens, il y a semble-t-il une volonté de maintien d’un statu quo quant à la manière
d’accompagner les jeunes sourds et jeunes aveugles dans leurs modalités de
scolarisation, basée sur le principe d’une scolarisation spécialisée séparée.
Si aujourd’hui un certain nombre de classes des INJS sont externalisées sous le
statut d’Unité d’Enseignement dans des établissements de scolarisation, ce
n’est qu’au prix d’une ségrégation marquée par la référence de scolarisation
non pas aux organisations de l’Education nationale, mais à celles de ces
Instituts rattachés au Ministère des Affaire sociales et de la Santé.
« A partir d’un
état des lieux consensuel, ce travail de concertation doit permettre d’élaborer
un protocole d’accord sur l’évolution du dispositif de scolarisation des jeunes
sous la responsabilité des Affaires sociales » déclare
l’intersyndicale.
A la lecture de cette déclaration, on peut penser que le
souhait reste bien le maintien et la « bonne » organisation de la
scolarisation des jeunes sourds et des jeunes aveugles dans cette filière à
part, gérée par les services du Ministère des affaires sociales. Il faut
reconnaitre qu’il y a des enjeux professionnels, les enseignants relevant de ce
Ministère n’étant pas reconnus par l’Education nationale.
A l’heure où l’on se préoccupe tant de l’école et de la
société inclusives, voici une position qui constitue, en définitive, un
véritable plaidoyer pro-domo d’une
situation et d’une société ségrégatives, dans un statu quo ségrégatif d’une
scolarisation hors du système commun, nonobstant tous les textes sur la
collaboration entre les deux systèmes, Education nationale et médico-social. Il
s’agit quand même là d’une anomalie au regard des évolutions en cours. Qui aura
le courage politique de mettre un terme à cette anomalie ?
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