De la compensation, faute d'accessibilité
Compensation et accessibilité sont bien souvent, sinon toujours, considérées comme les deux faces d’une même pièce. A juste titre dans la plupart des cas. Ainsi, en ce qui concerne par exemple les transports en commun, un fauteuil roulant, qui est de l’ordre de la compensation, ne peut-il avoir de sens que dans des dispositifs d’accessibilité de l’espace public des transports (quais…) et dans les véhicules (planchers surbaissés…). Mais l’image des deux faces d’une pièce peut être trompeuse : il arrive que la compensation dont est pourvue une personne dispense la société de mettre en place l’accessibilité, alors que parallèlement la mise en place de dispositifs d’accessibilité permet de minorer les compensations nécessaires. C’est dire que le rapport entre compensation et accessibilité n’est pas fixe et immuable, mais qu’il est flexible et que des changements dans l’un des domaines peut avoir des effets sur l’autre.
Dans l’histoire de
l’accompagnement des personnes en situation de handicap, le versant
compensation a, de tout temps, été privilégié. La compensation est ce qui va
permettre à une personne de « compléter » ses caractéristiques pour
se rapprocher des normes, des habitudes ou des conditions de vie en vigueur
dans la société. Il peut s’agir d’une aide technique ou d’une aide humaine :
un fauteuil, des médicaments, une aide à domicile, un·e AESH. Mais il peut
s’agir aussi des dispositifs d’éducation ou de rééducation qui vont permettre à
une personne d’être et d’agir au plus près possible des personnes considérées
comme normales : orthophonie, kinésithérapie, psychologie…Tous ces
dispositifs de compensation partent du postulat que la personne handicapée a
des caractéristiques de manque, d’écart, ou de besoin, que les compensations
mises en place permettent de partiellement combler, et ainsi homogénéiser les
caractéristiques autour d’une norme établie.
L’accessibilité,
quant à elle, se situe au niveau de la réponse sociale et de la flexibilité du
milieu à l’égard d’un certain nombre de personnes. Ici ce ne sont pas les
personnes qui sont tenues de réduire l’écart, mais c’est la société (physique
et sociale) qui modifie ses normes pour s’adapter à des personnes qui ont des
caractéristiques différentes, afin qu’elles soient en situation de
participation sociale. C’est la société qui met en place des aménagements,
ponctuels ou pérennes, localisés ou universels, pour permettre de mieux vivre
dans les différents segments qui la composent.
A l’école, la
présence des AESH s’est révélée indispensable pour accueillir des élèves
handicapés au sein des classes, à tel point que certains enseignants, ou
certaines écoles, usent de la menace de refus de scolarisation sans AESH.
L’AESH est emblématique en tant que mesure de compensation, et non
d’accessibilité comme il est dit parfois. L’AESH est une aide humaine qui peut
permettre à un élève de faire au mieux comme les autres élèves. Celui-ci peut
ainsi réaliser des gestes, des apprentissages, des interactions, qui sans cette
aide, ne pourraient être réalisées. En ce sens, l’AESH compense ce qui fait
défaut chez l’élève concerné pour être élève. Ce faisant, il est demandé à
l’élève, avec son aide, de se conformer à un dispositif éducatif, pédagogique,
didactique et institutionnel tel qu’il fonctionne habituellement, c’est-à-dire
sans élèves handicapés. L’AESH permet au dispositif de continuer à fonctionner
comme si l’élève concerné n’était pas là. Une compensation est dotée à l’élève,
l’institution reste telle quelle, immobile, sans changements.
Il serait
peut-être temps d’inverser les priorités : sans bien entendu enlever les
compensations, dont l’essentiel est bien évidemment nécessaire, il importerait
de se préoccuper des manières dont les dispositifs pourraient se rendre
accessibles, c’est-à-dire évoluer afin de s’adapter aux différents élèves.
Peut-être dans ce cas y aurait-il d’ailleurs besoin de moins de compensations,
celles-ci évitant parfois le recours à l’accessibilité ?
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