Le médico-social peut-il sauver l'éducation nationale ?
Depuis une vingtaine d’années, et même davantage, la prise de conscience de la séparation trop radicale entre le secteur médico-social et l’Education nationale a pris la forme d’incitations réglementaires de collaborations, de partenariats, d’actions communes, d’ouverture, de mixité, etc. entre les deux secteurs. De nombreux dispositifs ont été imaginés pour rapprocher les deux « filières » : depuis longtemps les SESSAD, plus récemment, les PIAL, les inclusions inversées, les IME en établissement scolaire, les UEMA, etc. Ces réglementations et ces actions attestent d’une prise de conscience d’une certaine anomalie dans la scolarisation des jeunes élèves en situation de handicap, partagés entre deux filières qui ont été longtemps étanches. Et malgré cela, les choses n’avancent pas de manière satisfaisante.
Les impasses
successives du développement de l’intégration et de l’inclusion des élèves
handicapés malgré d’innombrables dispositifs ne laissent pas d’interroger.
Depuis 1975, au sein même de l’Education nationale, de nombreux textes, souvent
généreux et justes, ont tenté d’améliorer l’accueil, avec beaucoup, puis moins,
de réserves, ces enfants à l’école. Les CLIS puis les ULIS, les SESSAD en ont
été les instruments principaux, mais aussi les projets personnalisés de
scolarisation, les enseignants spécialisés et les enseignants référents, ainsi
bien sûr que de nombreux dispositifs mis en place. Sans pourtant faire modifier
radicalement la présence des enfants handicapés dans les classes. Alors a surgi
cette idée : puisque les enfants handicapés sont en partie accompagnés
dans le secteur médico-social, il n’y a qu’à faire collaborer les deux secteurs
pour changer les pratiques et développer l’inclusion dans une école restant
rétive à accueillir des élèves qui auparavant qui n’y avaient pas naturellement
leur place.
Car, de son côté
l’éducation dite spécialisée, en parallèle, prenait en charge, sans toujours
scolariser, ceux qui avaient des caractéristiques diagnostiques incompatibles
avec les finalités et le fonctionnement de l’école. Elle a élaboré des savoirs
scientifiques et expérientiels concernant cette population, en même temps
qu’elle a donné un contenu conceptuel au handicap et des représentations
spécifiques aux personnes handicapées. L’éducation dite spécialisée s’est
appuyée sur une approche individuelle bio-psycho-médicale, attribuant à la
personne concernée les attributs des difficultés de participation
sociale : « pas de bras, pas de chocolat ! » Le secteur
médico-social reste largement ancré dans cette approche, même si celle-ci s’est
quelque peu ouverte avec des références de plus en plus nombreuses à
l’environnement, à la participation sociale, et même parfois aux droits. Il
n’en reste pas moins que l’approche demeure défectologique et validiste,
marginalisant de fait les personnes handicapées.
Pour espérer
rendre inclusive l’école dans la collaboration entre les deux secteurs, il
faudrait que ceux-ci changent tous deux simultanément de paradigme. Que l’école
devienne une école qui se préoccupe de la réussite de tous les élèves (parmi
lesquels les enfants handicapés), alors qu’aujourd’hui, malgré des discours
inclusifs, les dispositions prises pour l’école sont à contre-courant de ces
principes (ségrégation sociale, défaut de moyens, fonctionnement élitiste et
sélectif, orientations…). Que l’éducation dite spécialisée se départisse d’une
approche bio-psycho-médicale, pour adopter une approche écosystémique qui
considère que des situations de handicap vécues par des personnes sont l’objet
de l’interaction entre les caractéristiques personnelles et les
caractéristiques environnementales, se départisse de son approche
défectologique. Et que la société cesse de considérer que toute difficulté dans
la scolarisation ne peut n’avoir comme solution et issue que le soin. En
conservant leurs modèles de pensée et/ou de fonctionnement, l’école, appuyée
sur le secteur médico-sociale, n’a
aucune raison d’opérer la moindre transition inclusive.
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