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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 11 octobre 2024

Autodétermination : stop ou encore ?

Autodétermination : stop ou encore ?

On ne peut pas être « contre » l’autodétermination. De même qu’on ne peut être contre le bonheur ou le développement personnel. Cela interdit-il d’interroger le concept et son utilisation, et d’en faire la critique ? Il y a en effet quelque chose d’étrange, pour ne pas dire de suspect, dans la ruée institutionnelle dont la notion a fait l’objet dans la période récente. Il y a quelques années, on n’en parlait pas encore (longtemps la notion d’autonomie a prévalu) ; aujourd’hui elle est devenue la référence incontournable, le mot d’ordre suprême, la voie hors de laquelle on mérite l’enfer. Certes l’utilisation invasive du terme a le mérite de mettre la question à l’agenda, de faire advenir une réalité qui sera indiscutable. C’est l’objet d’un langage performatif, de faire advenir des réalités, d’orienter les pensées et les actions vers ce qui est affirmé.

Selon les significations qu’on lui donne, l’autodétermination peut de facto être discriminatoire, et excluante. A donner à l’autodétermination une valeur aussi absolue, on prend le risque de discrimination, avec l’effet de séparer ceux qui seraient en capacité de s’autodéterminer, et ceux qui ne seraient pas en capacité. Là aussi, il y a « ceux qui ne sont rien ». La catégorie de ceux qui ne méritent pas les préoccupations de la société va grossir : aux assistés, à ceux qui ne prennent pas leurs responsabilités ou d’initiatives, aux moins flexibles, aux déclassés, s’ajouteront ceux qui ne peuvent manifester leur autodétermination.

Si tout le monde s’accorde à affirmer qu’il n’y a pas d’autodétermination absolue, les objectifs d’accompagnement à l’autodétermination sont bien souvent organisés autour du développement personnel de la personne, nécessitant le développement de capacités personnelles. Ce type d’objectifs rabat les problématiques sur l’amélioration de la personne, et sur ses capacités à prendre en charge les améliorations nécessaires. Les atteintes d’objectifs étant des critères d’évaluation, la personne qui atteindra l’objectif aura davantage de « valeur » humaine qu’une personne dont l’autodétermination peine à s’exprimer. Il n’empêche : une hiérarchie est établie selon laquelle les personnes qui font preuve d’autodétermination ont davantage de valeur que les autres : ceux qui entreprennent, décident, sont responsables, ont une image bien plus positive en termes de valeur humaine que ceux qui obéissent, se soumettent, ont besoin de protection ou sont vulnérables, … les « assistés ». Comme si la vie humaine n’était faite que de l’idéal des premières caractéristiques. Se laisse aller, se laisser servir, ou plus gravement être aidé, se délester de ses responsabilités et charges, bref ne plus s’autodéterminer est dévalorisé.

Être critique sur l’autodétermination et sur les manières dont ce concept se déploie comme norme et vérité auxquelles il convient d’adhérer de manière absolue, de s’acculturer, est considéré comme « résistance », considérée négativement. La résistance en tant que telle, scientifiquement, philosophiquement, politiquement, est ambivalente : certaines résistances ont été à la source de progrès. Mais ici, la résistance est résistance au changement, celui-ci étant conçu unilatéralement comme progrès. Le changement étant institué comme progrès, la résistance, ou la critique, est renvoyée au passé, à ce qui se faisait avant, voire dans le contexte social à des pratiques considérées comme archaïques, non désirables, malveillantes, maltraitantes. Cette dichotomie radicale et violente opposant résistance/archaïsme/critique et adhésion/changement/progrès empêche intellectuellement de penser, d’élaborer une pensée critique, de se responsabiliser dans ses pratiques, pour ne donner comme possibilité que celle d’adhérer à des normes identifiées à des changements. Effectivement, il y a des changements, la plupart du temps positifs, dans les rapports entre les professionnels et les usagers par exemple, ou dans l’organisation des services. L’autodétermination, à ce titre, devient une norme universalisée comme « bien » technique et social, à laquelle tout un chacun n’a d’autre choix que de manifester son adhésion non critique.

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