Tant que ...
Tant que les injonctions à l’inclusion des enfants handicapés à l’école voisineront avec la ségrégation sociale qui est pratiquée et instituée dans le système éducatif (recrutement et composition sociale de l’enseignement privé, répartition des ressources entre les établissements, parcours de scolarisation privilégiés, ghettoïsation des établissements…), les élèves en situation de handicap n’y auront pas véritablement leur place. Ils seront certes tolérés, acceptés sous pression, présents physiquement, parfois à temps partiel, mais ils ne seront pas des élèves de droit, effectuant une parcours de scolarisation de qualité en bénéficiant des aides adaptées. L’école inclusive n’y est pas crédible.
Tant que les constats d’écarts à la norme ou de difficultés
d’adaptation aux normes de compétences et de comportements à l’école
voisineront avec la conviction qu’il s’agit là d’une pathologie, d’un trouble,
qui par essence et nature doit bénéficier d’un traitement médical et
paramédical, l’école sera dans l’incapacité d’inventer des stratégies
pédagogiques pour s’adapter aux diversités et vulnérabilités des élèves.
Tant que les injonctions à l’insertion des personnes en
situation de handicap dans le milieu de travail dit ordinaire voisineront avec
des conditions d’emploi et de travail qui font de celui-ci quelque chose de
difficile, facteur parfois de stress et de souffrance, exigeant rapidité,
flexibilité, performance, adaptabilité, agilité, …, et que pour toutes ces
raisons la discrimination à l’embauche existe, le « plein emploi »
des personnes en situation de handicap n’est pas envisageable, malgré tous les
efforts faits par les professionnels de l’insertion, sauf dans des organismes
spécialisés discriminatoires.
Tant que les exhortations au développement de la
participation sociale voisineront avec la régression des droits démocratiques
(droits d’expression, droits du travail, croissance des inégalités, etc.), les
populations dominées, parmi lesquelles les personnes en situation de handicap,
ne pourront avoir qu’une place subalterne dans la société, et n’exercer leur
participation sociale que de façon marginale ; et en particulier les
politiques publiques les concernant ne pourront pas être du champ de leur
participation.
Tant que les invitations à l’autodétermination des personnes
en situation de handicap voisineront avec l’organisation sociétale de lieux de
ségrégation et de dispositifs de discrimination, et avec l’idée d’un seul dépassement
individuel de la dépendance, l’émancipation des personnes concernées ne sera
pas plausible.
Tant que les appels à une approche complexe et écosystémique
du handicap voisineront avec la nécessité d’une catégorisation populationnelle définie
par des diagnostics et évaluations médicales et paramédicales (maladies,
déficiences, troubles, incapacités) attribuant à la seule personne les causes
des situations de handicap, les personnes concernées ne parviendront pas à
prétendre à ce que la société puisse prendre en considération leurs situations
et favoriser significativement leur participation sociale dans la
reconnaissance de la diversité
Tant que les injonctions à la bientraitance et au respect
des personnes vivant en EHPAD voisineront avec des restrictions draconiennes de
ressources humaines et financières (sans parler même de faire des profits sur
les personnes âgées), qui interdisent de prendre véritablement soin des
personnes, dans un fonctionnement où il faut faire vite, dans une société qui
met en avant les valeurs de jeunesse et de beauté, la vie en institution EHPAD
restera un repoussoir sans garantie de bientraitance.
Tant que les injonctions à l’inclusion voisineront ave des
valeurs et des organisations inégalitaires, une société inclusive n’est pas
plausible.
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