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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 29 septembre 2023

penser le handicap comme créativité

 Penser le handicap comme créativité

Le handicap est historiquement et habituellement envisagé dans sa négativité, en référence à des limites ou à des manques personnels (déficiences, troubles, incapacités…), dont les conséquences fâcheuses sont des limitations de participation sociale, d’autodétermination, de droits… Porter un tel jugement sur le handicap renvoie à une conception, dont on dit pourtant qu’elle est archaïque et dépassée, qui fait pourtant la trame des représentations à l’œuvre au quotidien, tant dans le grand public que chez les professionnels les plus experts : le handicap est un problème individuel de santé.

Dans cette perspective bio-médicale (ou plus précisément, dans la dernière période, bio-psycho-médicale), la responsabilité du handicap et de ses inconvénients incombe à la personne concernée, quasi exclusivement : si une personne est en situation de handicap dans sa vie, c’est parce qu’elle à une maladie, un trouble, une déficience ou une incapacité. Tout au plus convient-il d’être attentif au milieu dans lequel cette personne vit, afin que celui-ci ne présente pas trop d’obstacles (c’est souvent ainsi que sont envisagés les aménagements et l’accessibilité). Mais dans le fond, le handicap reste attaché à la situation « défectueuse » de la personne. En témoigne la confusion que l’on peut constater dans des expressions comme « situation de handicap sensoriel », où une nouvelle formulation, qui concerne en principe une situation de vie, une expérience de vie, une condition de vie, est ramenée à la définition et à l’essentialisation d’une caractéristique personnelle négative. Dans cette perspective conceptuelle, il est impossible de penser le handicap comme condition et opportunité de créativité.

Penser le handicap comme créativité, à rebours de la représentation négative et limitative bien prégnante, c’est changer de paradigme. C’est même effectuer une révolution conceptuelle, dont les contenus sont pourtant déjà présents dans des modèles existants, mais qui reste entravée par le poids des habitudes et des modes de pensée dominants, et profondément ancrés dans nos esprits. C’est considérer qu’une situation humaine, une expérience, une condition, une habitude de vie, sont produites de l’interaction entre une personne et un environnement. En ce qui concerne le handicap, Patrick Fougeyrollas et son équipe ont magistralement montré ce qu’il en était de cette interaction dans la Classification du Modèle de Développement Humain – Processus de Production du Handicap (MDH-PPH).

Une fois ce principe posé, et sortis d’une détermination unique dévolue à la personne, il apparait que pour tout un chacun, quelles que soient ses caractéristiques, la vie est faite d’ajustements (et non simplement d’adaptation unilatérale) entre une personne et le milieu. C’est ce que dit Anne-Lyse Chabert, à partir de son expérience personnelle : « il s’agit toujours d’expériences de vie qui se déclinent comme autant d’ajustements permanents entre le terrain que fournit le milieu et ce que la personne handicapée est à même d’y réaliser. Le handicap n’a dès lors plus aucune valeur négative ; c’est au contraire sur son versant très positif de créativité que je mets désormais l’accent » (Vivre son destin, vivre sa pensée, 2021, p.144). L’écrivain Pierre Lemaitre, ne dit pas autre chose à propos des DYS : « les DYS, rompus à l’art du contournement, sont extrêmement imaginatifs. Pour trouver des solutions, ils sont surentraînés. Ce sont les champions de la transgression » (L’Obs, en ligne, 5/01/2023).

En pensant « pathologie » de la personne handicapée, tout au plus peut-on penser aux capacités d’adaptation de la personne concernée à son environnement, en rendant celui-ci plus facilitant. En pensant ajustements permanents entre le milieu et la personne, on peut s’autoriser à observer et penser les personnes qui vivent des situations de handicap, comme des personnes à part entière, faisant preuve, comme nous tous, de créativité dans ces ajustements.

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