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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 9 octobre 2023

Questions d'autodétermination

Questions d'autodétermination

 L’engouement contemporain pour cette notion/approche n’est-il pas tel qu’il pourrait paraitre suspect ? Bien sûr, personne ne peut légitimement être opposé à l’autodétermination des personnes en situation de handicap, après une longue histoire de déni de cette possibilité même. Les organisations, même les plus institutionnelles, se sont engouffrées sans état d’âme dans l’appropriation de cette approche pour leurs professionnels. Sans que l’on sache toujours si c’est en vue de changer le regard de ceux-ci sur les personnes accompagnées, et par conséquent leurs pratiques, ou si c’est une approche qui conforte leurs valeurs et références historiques remises au goût du jour par ce mot devenu « magique ».

Ce qui intrigue dans l’hégémonie qu’a prise cette approche, c’est souvent, dans les discours portés par ses promoteurs, le caractère hors-sol, général, de la notion, conçue presque comme une fin en soi. Personnellement, la notion d’autodétermination ne m’est apparue (ne m’a interrogé), non pas comme une fin en soi, un objectif de vie, une réalisation personnelle, mais comme un moyen de garantir la participation sociale, une participation sociale de qualité. Un moyen de développer la participation des personnes en situation de handicap dans la société, leur qualité de vie, l’exercice de leurs droits de citoyens, leur qualité de vie, leur « inclusion » dans les différents segments de la société.  Ce que je ne retrouve pas dans la plupart des discours qui ont trait à l’autodétermination, tenus par des « institutionnels ». A contrario, l’ouvrage de L.Andrien, et C.Sarrazin (Handicap, pour une révolution participative, érès, 2022), replace l’autodétermination dans une perspective de participation sociale effective et de qualité.

Mais est-il anodin de mettre en avant l’autodétermination, au détriment de la participation sociale ? Celle-ci implique d’emblée un rapport d’interaction entre les individus et la société dans laquelle ils vivent. La participation sociale est toujours un rapport entre une personne et un milieu, qu’elle soit réalisée pleinement ou qu’elle rencontre des limites dans sa réalisation : une activité, une habitude de vie sont en mesure d’être réalisées, ou pas, dans un environnement donné. La personne convient à l’environnement, et celui-ci convient à la personne. L’enjeu d’un objectif de participation sociale ne concerne pas les personnes prises individuellement, mais il implique une posture critique quant au fonctionnement social et sociétal, celui-ci ne donnant pas leur place de pleine participation aux personnes en situation de handicap. La mise en avant de la participation sociale engage de vouloir changer la société, à faire bouger les lignes.

L’autodétermination, elle, concerne la personne, même s’il est convenu qu’elle peut se manifester dans différentes circonstances de vie, et dans des milieux donnés la favorisant. L’autodétermination appartient à la personne, pas à l’environnement, ni à l’interaction entre une personne et son environnement. Elle constitue un objectif d’évolution de la personne, objectif de dépassement ou de développement personnel pour s’extraire, avec effort et avec aides, de l’hétéronomie et/ou de la dépendance. Elle demande en définitive de « s’émanciper » individuellement de la société telle qu’elle fonctionne quitte à demander à celle-ci quelques aménagements.

Si l’on retient ces hypothèses, il n’est pas étonnant que ce soit l’autodétermination qui ait les suffrages du secteur : elle permet d’établir des objectifs individuels, elle ne remet pas fondamentalement en cause le fonctionnement social. Elle constitue même peut-être l’héritage de l’approche historique individuelle de changement de la personne pour s’adapter unilatéralement à la société telle qu’elle fonctionne, sans la remettre en question. Vue ainsi, elle constitue une aporie : l’émancipation individuelle ne constitue pas un changement de société qui puisse véritablement permettre de favoriser la participation sociale de tous. Elle est l’équivalent contemporain des anciennes rééducations.

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