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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 21 novembre 2022

autonomie (liberté) et soumission

Autonomie (liberté) et soumission

On assiste à un paradoxe particulier de notre société contemporaine, entre l’affirmation d’une liberté et autonomie fondamentales et certaines formes de soumission sociale. Ce paradoxe traverse tous le milieux, et bien évidemment aussi le fonctionnement médico-social : organisations et accompagnements. L’idéologie discursive dominante, hégémonique même, prône les principes de liberté individuelle, d’adaptation, de flexibilité, d’autonomie, d’agilité, d’initiative, d’entreprenariat, et bien sûr d’autonomie, etc. L’homme, quel que soit son genre, est devenu son propre centre de gravité. Il est devenu responsable de lui-même : quand il s’agit de réussites, tout va bien ; quand il s’agit de difficultés ou d’échecs, et que la responsabilité lui en est attribuée, c’est beaucoup plus difficile, et cela à des conséquences parfois dramatiques. La quête du bonheur et le développement personnel, avec leurs impasses, ont envahi les rayons des librairies, les rapports au sein des entreprises (le management se situe d’emblée dans cette philosophie) et le monde intérieur de chacun. Un tel discours stigmatise ce qui ne correspond pas à la logique promue : l’assistanat, le manque d’initiatives supposé, et même le manque d’adhésion ou les réserves envers cette idéologie en font les frais : ringardise, immobilisme, inadaptation, etc.

Ce discours libéré, tenu en général par ceux qui ont quelque pouvoir ou qui y adhèrent, s’accompagne la plupart du temps chez ces acteurs de pratiques qui sont à rebours des discours tenus. C’est ainsi que dans le champ politique les discours sur la liberté, la responsabilité ou les devoirs s’accompagnent souvent d’un certain nombre de restrictions de ces libertés et d’une démocratie qui périclite. Dans le management (même lorsqu’il se prétend libéré, bienveillant ou humaniste) ce sont bien souvent des pratiques gestionnaires directives et injonctives, sinon autoritaires qui s’imposent, où il n’est pas question d’interroger les valeurs, fonctionnements et objectifs de l’entreprise. Les installations de tennis de table ou les fauteuils relaxants dans la salle de repos tirent un voile opaque sur des pratiques contraignant les salariés à « obéir » (on peut réactiver ici le concept de servitude volontaire d’E. de la Boétie !), se soumettre, appliquer les procédures et les bonnes pratiques, adhérer aux impératifs comptables et des gestion, adhérer aux objectifs de l’entreprise (fussent-ils uniquement le profit des actionnaires).

Ces contradictions sont bien évidemment présentes dans le fonctionnement du secteur médico-social. Elles se manifestent peut-être sous la forme originale d’une promotion unanime de l’autodétermination, de l’autonomie, de la liberté de choix, de la valorisation des rôles sociaux, de l’empowerment, de la participation sociale. Les incantations nombreuses et consensuelles à ces « valeurs » sont en tout cas le signe de l’importance que notre société y accorde. Et en termes d’objectifs, tout cela reste pertinent, tant la situation des personnes en situation de handicap était éloignée de l’effectivité de ces valeurs. A ce titre, les personnes concernées participent à ce à quoi peut prétendre tout être humain, la responsabilité et l’autonomie.

Il y a peut-être un hic ! Dans une société qui met ces valeurs au sommet de la réalisation humaine, ceux qui n’y arrivent pas, pour diverses raisons, sont dévalorisés dans la hiérarchie établie par et pour ceux pour qui ces principes sont réalisables, atteignables et effectifs. Celui qui n’a pas d’emploi est contraint de se responsabiliser pour en trouver un, de faire la preuve de cette recherche (il ne lui suffit pas de traverser la rue) et d’en obtenir un, indépendamment du marché du travail existant. S’il n’en trouve pas, cela devient de sa responsabilité, il devient un assisté volontaire. C’est cela l’autre face du discours hégémonique de la survalorisation individuelle : chacun, même « dominé », est contraint à la responsabilisation, à l’engagement actif : adhésion soumise aux valeurs de l’entreprise, engagement dans un projet proactif (de vie, d’accompagnement). Ce côté devient même la condition de survie : faute d’adhésion aux valeurs de l’entreprise, c’est la porte ; faute de recherche active d’emploi, c’est la radiation de Pôle Emploi ; faute d’engagement dans le projet d’accompagnement pour une personne en situation de handicap, ne serait-ce pas aussi une disqualification ? 

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