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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 15 novembre 2022

lecture : Le droit à la vraie vie, de P. Jacob

Le doit à la vraie vie - les personnes vivant avec un handicap prennent la parole

de Pascal JACOB (Dunod, 2020)

Parmi les nombreux intérêts de cet ouvrage, il en est un qui m’a marqué : il contient des témoignages, forts, sur ce que vivent des personnes rencontrant des situations de handicap, sur les obstacles qui sont mis (qu’on leur met, que la société leur met) à leur participation sociale à la vie de et avec tous (ce que l’auteur nomme dans son titre la vraie vie), à leur autonomie ; mais aussi sur leur volonté, farouche, de surmonter ces obstacles, sur leurs réussites comme sur certains de leurs échecs ; sur l’inadaptation des environnements (politique, organisationnel, culturel, institutionnel) qui les exclut bien souvent de la vraie vie, et qui les laisse dans des situations peu enviables.

Tout au long de l’ouvrage, avec la participation de divers collaborateurs (Stéphane Forgeron, Sébastien Claeys, …), Pascal Jacob argumente inlassablement sur les capacités, la valorisation et les droits des personnes vivant avec un handicap. S’il est une posture qui accorde sa confiance avant tout aux personnes concernées, y compris en leur donnant avec conviction la parole comme l’indique le sous-titre de l’ouvrage, c’est bien celle de ces différents contributeurs.

L’autonomie, valeur centrale des caractéristiques de vie de toutes les personnes, est un postulat et un objectif. Elle ne va pas sans réfléchir, avec les personnes concernées, sur les conditions et les modalités d’accompagnement qui la permettent, gage d’une non dépendance. Pour les professionnels qui travaillent avec des personnes avec un lourd ou très lourd handicap, et qui se réfugient dans une perspective d’impossibilité d’autonomie, sous le prétexte de la lourdeur des incapacités, Pascal Jacob plaide sur le principe absolu d’autonomie. Son expérience personnelle de père de deux enfants puis jeunes adultes lourdement handicapés lui permet de témoigner de ce postulat. « En devenant de plus en plus familier avec mes enfants, j’ai compris que le fait de les surmédicaliser et de les surprotéger avait fait écran, ce qui m’empêchait de voir qu’ils étaient beaucoup plus autonomes que je ne le croyais et que leurs envies étaient gigantesques par rapport à ce que je percevais, simplement parce qu’ils ne communiquaient pas leurs envies qui pourtant étaient bien là. » (p.144).

Un autre point important, crucial, est la valorisation des personnes vivant un handicap. Les représentations des personnes, et la définition du handicap sont « institutionnalisées » dans les incapacités. Mais, répond P Jacob « Lorsqu’on décrit une personne vivant avec un handicap, elle est décrite à travers ce qu’elle ne sait pas faire ou ne peut pas faire, mais aucune des activités ou des actes qu’elle peut faire ne font partie de sa définition… Prenons par exemple rédiger un curriculum vitae pour se faire embaucher dans une entreprise et décrire à son futur employeur tout ce que l’on ne sait pas faire, est-ce qu’on serait embauché ? » (p.44). Cette valorisation passe évidemment par la reconnaissance de l’expérience et de l’expertise de la personne vivant avec un handicap.

Bien évidemment, la vraie vie n’est pas celle de l’enfermement dans des institutions. Elle est celle de ce que l’on qualifie aujourd’hui d’inclusion, dans une société inclusive, ce que l’on qualifie encore de pleine participation. La France est loin de cette perspective, en maintenant les filières spécialisées ségrégatives du secteur médico-social. Or, nous dit Stéphane Forgeron, « la filière médico-sociale représente un obstacle majeur à la pleine participation et à la vie autonome des personnes handicapées. » (p.70) Ce même auteur, donne un contre-exemple, par rapport à la France, de ce que pourrait être par exemple une école inclusive : « Les pouvoirs publics finlandais ont fait le constat suivant : il est impossible d’unifier l’éducation ordinaire et l’éducation spéciale ou que ces deux systèmes travaillent ensemble de manière efficace. En effet, l’éducation spéciale cherche  à médicaliser toutes les difficultés liées à l’apprentissage. Seuls les spécialistes (médecins, psychologues…) possèderaient les compétences requises pour évaluer les difficultés d’apprentissage, à savoir des professionnels extérieurs à l’école. Or les Finlandais ont préféré réformer le système scolaire, la pédagogie et les procédures de travail de l’éducation primaire et secondaire. » (p.74).

La prise de parole des personnes vivant des situations de handicap ne se borne pas à l’expression brute de sentiments vécus (elle l’est bien évidemment aussi, à la mesure des frustrations vécues dans les tentatives de vraie vie), elle est aussi extrêmement constructive, contributive au changement sociétal (regards, organisations, accompagnements) nécessaire à la considération des places pleines et entières de ces personnes dans notre société

Extraits de la présentation :

La force de ce livre est assurément son projet : écouter et donner la parole aux personnes vivant avec un handicap pour avancer ensemble vers une société accueillante qui reconnait leurs capacités et qui valorise l’expertise de leur différence. Avec une sincérité émouvante, les personnes vivant avec un handicap nous font partager leurs quotidiens, leurs difficultés, leurs idées et nous amènent à réfléchir sur leur vie, mais aussi sur nous et sur la façon dont nous construisons la société. En plus de ces témoignages, cet ouvrage nous entraine dans des dialogues fructueux qui ne masquent ni les problèmes, ni les résistances de tous ordres à travers des entretiens de personnalités du monde sanitaire, du médico-social, de l’entreprise et du monde politique. L’auteur nous invite à travers ce livre à créer les conditions pour favoriser l’écoute directe et à mettre en place des organisations permettant à la personne vivant avec un handicap d’être actrice de sa vie.

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