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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 29 novembre 2022

médecine et pédagogie, des liaisons dangereuses

Médecine et pédagogie, des liaisons dangereuses

Il y a toujours eu des liens, de différentes natures, entre médecine et pédagogie : des médecins se sont fait pédagogues, les apprentissages ont intéressés des médecins, etc… Le rapport entre les deux domaines est intéressant à observer aujourd’hui que l’approche du handicap prétend s’extraire d’un point de vue strictement limité à la déficience pour intégrer une approche systémique des personnes en interaction avec leur environnement. Or paradoxalement, il semble qu’on assiste aujourd’hui à un nouveau positionnement et à de nouvelles formes de pouvoir de la médecine à l’égard de la pédagogie.

Les seuls professionnels habilités à prodiguer des conseils aux enseignants ou aux personnels d’accompagnement sont référés à la santé. Ainsi la HAS (Haute Autorité de Santé) indique-t-elle les bonnes pratiques à adopter avec différentes catégories d’élèves ayant des déficiences ou des troubles. Ainsi a-t-elle produit en décembre 2009 de volumineuses recommandations de bonnes pratiques concernant la surdité de l’enfant, certes hors accompagnement scolaire, mais impactant fortement les pratiques scolaires, dans lesquelles une autorité de santé met en place des normes, tout aussi injonctives en définitive qu’une circulaire, sur les choix langagiers à effectuer par les familles (accompagnées par des professionnels) comme si des choix de langue, de culture et d’identité était une affaire de santé. Ainsi a-t-elle encore produit des recommandations sur les conduites à tenir avec des élèves TDAH (ayant des troubles de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) et des conseils aux enseignants, dont celui de « placer le pupitre de l’élève près de l’enseignant » (On peut s’interroger : que connait-on des pratiques de la classe quand on ne sait pas que les élèves n’ont plus de pupitre !). Les administrations de la formation des enseignants font référence à ces indications comme source de savoir des enseignants. Récemment encore (septembre 2021) la HAS a publié un volumineux recueil de recommandation de bonne pratique : « Accompagner la scolarité et contribuer à l’inclusion scolaire », accompagné d’un non moins volumineux argumentaire.

Ainsi la vie de ceux qui dérogent aux normes en termes d’aptitudes (intellectuelles, comportementales, physiques, …) est-elle régie en termes de santé, sous l’autorité des institutions de santé. Ce n’est pas pour rien que depuis 2009 le secteur médico-social (qui a gardé sa référence « médico ») est sous l’autorité des Agences régionales de Santé, que les budgets relèvent de l’Assurance maladie, que la place des médecins est toujours aussi importante dans la détermination des handicaps (confondus dans ce contexte avec les déficiences) et dans les orientations. Dans cette configuration, l’élève qui a une maladie, une déficience, un trouble ou une incapacité sera défini par la nature de cette caractéristique, il sera réduit à cette caractéristique, et il sera attribué à ces caractéristiques les dysfonctionnement qu’on observe, ainsi que les réponses pédagogiques standardisées qu’une telle description induit.

Il devient « normal » dans ces conditions que la conduite à tenir à l’école et en classe soit dictée par des critères et de normes médicaux et paramédicaux. Ce qui a pour effet de déposséder les pédagogues de la construction d’approches d’apprentissage adaptées aux élèves concernés (ainsi qu’à d’autres élèves). Les difficultés d’apprentissage sont dès lors adressées à des spécialistes externes en mesure de résoudre les problèmes. Cela a pour effet également de penser l’adaptation en termes individuels à tel élève qui a telle caractéristique (théorique, conforme à une nomenclature médicale), et non à un changement structurel des modalités pédagogiques et didactiques susceptible de favoriser tous les élèves. Cette soumission de la pédagogie à des problématiques de santé est bien éloignée des perspectives inclusives, conditionnée par des changements structurels dans l’accompagnement de tous les élèves.

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