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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 21 mars 2022

comment l'école sous-traite le handicap

Comment l'école sous-traite le handicap

Une école inclusive accueille tous les enfants, et s’adapte au mieux aux caractéristiques de chacun d’eux. Une école n’est pas inclusive lorsqu’elle renvoie à des filières spécifiques des populations qu’elle ne veut pas accueillir ou qu’elle estime ne pas convenir à son fonctionnement. Tant qu’il existera des orientations d’enfants d’âge scolaire en établissements spécialisés (IME, ITEP, etc.), on ne pourra pas dire de l’école française qu’elle est inclusive, pas plus d’ailleurs tant qu’il y aura des ségrégations scolaires, par exemple selon la religion, les revenus, etc.

Le nombre d’enfants handicapés scolarisés en école ordinaire s’est beaucoup développé, celui des enfants en établissements spécialisés a peu diminué. Face à cette situation, des injonctions de politique publique ont été faites pour « déségréguer » (voir l’ouvrage de H. Dupont : Déségrégation et accompagnement total, PUG, 2021) les enfants présents dans les établissements spécialisés pour les mettre dans les établissements ordinaires, sous la forme réglementaire des Unités d’Enseignement Externalisées (UEE). Le développement du nombre d’UEE en réponse à ces injonctions est vu comme une évolution de désinstitutionnalisation et d’inclusion par la communication officielle.

Il y a bien sortie d’une institution spécialisée, partielle plus souvent que totale, mais pas toujours entrée (intégration, inclusion, participation…) dans l’institution ordinaire, l’école et l’établissement scolaire. Ces enfants sont ainsi bien désinstitutionnalisés, mais négativement : ils ont certes perdu une institution spécialisée qui les mettait de côté, mais sans retrouver d’institution, celle dont font partie et à laquelle participent tous les enfants. Leur ségrégation formelle a bien disparu, partiellement, mais pour se trouver aux marges de l’institution à laquelle ils prétendent, maintenant malgré tout une certaine ségrégation, visible dans le nom : l’externalisation indique bien qu’ils viennent de quelque part, d’une origine, d’un lieu qui leur serait dédié. Sur cet aspect, l’école ne « traite » pas le handicap, elle le sous-traite, à la marge, à des dispositifs spécialisés.

Si l’UEE reste ainsi sur le seuil de l’école, c’est bien aux fins de ne pas être dans l’école. La présence d’enfants dans une UEE au sein/seuil d’un établissement scolaire tient au fait que ces élèves ne sont pas véritablement scolarisés dans l’établissement scolaire (d’ailleurs ils n’y sont pas inscrits de plein droit, mais parfois sur une modalité « inactive »). Ce qu’ils font dans leur classe relève de la responsabilité du médico-social (même si c’est un maître détaché de l’Education nationale qui y œuvre) et de ses priorités (thérapeutiques, éducatives). Les apprentissages ne sont pas de la responsabilité de l’établissement scolaire, mais de l’UEE. Autrement dit, l’Education nationale sous-traite la scolarisation au secteur spécialisé médico-social.

Cela se manifeste particulièrement dans les conditions qui sont mises lorsque sont envisagés des temps de présence dans les classes ordinaires. Les conditions sont le plus souvent draconiennes : exigence du bon comportement, d’avoir le niveau scolaire requis, d’avoir l’aide appropriée… Faute de satisfaire à l’une de ces exigences, l’élève est refoulé dans l’institution à laquelle il appartient « par nature », l’UEE et le spécialisé. Celui-ci d’ailleurs participe de la ségrégation en cautionnant les retours en spécialisé lorsque les conditions mises ne sont pas remplies (« avant d’être scolarisé, il a besoin de soins ») ou en sélectionnant ceux qui peuvent « être inclus » selon qu’ils remplissent ou non les conditions. Dans ce contexte le système éducatif se défausse entièrement de sa responsabilité de scolarisation des enfants en situation de handicap.

Lorsqu’on ajoute à ces modalités de sous-traitance celle qui consiste à médicaliser les difficultés scolaires et à renvoyer vers le traitement paramédical la résolution de ces difficultés, on constate que l’école n’assure pas sa responsabilité de scolarisation d’une catégorie de population, laissée à ses marges, et qu’elle ne peut être en aucun cas inclusive dans cette configuration.


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