biographie

Ma photo
Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 6 décembre 2021

de l'individuel et du collectif social

 De l'individuel et du collectif social

« Le temps est fini où l’on pouvait penser que le collectif a une meilleure connaissance que l’individu sur ce qui est bon pour lui » avais-je noté un jour lors de l’une de mes lectures (en omettant de me souvenir de l’auteur !). Les classes sociales, les institutions traditionnelles ne sont plus censées déterminer les modes de vie et de pensée, les parcours ou les postures des personnes, même si les phénomènes de reproduction de classes par exemple sont toujours très présents (davantage même ?). Dorénavant, les personnes sont censées être autonomes, être « les entrepreneurs d’elles-mêmes », à l’appui de tout un registre sémantique promouvant l’individu. Sur le même registre, les institutions spécialisées dans le domaine du handicap laissent place à l’individualisation des projets et des prestations, censés émaner des personnes en situation de handicap elles-mêmes.

L’individuation, l’individualisation, l’individualisme sont devenues des références de nos sociétés contemporaines, avec leurs marqueurs de réussite, de mérite, de parcours, d’opportunités, d’adaptation, de flexibilité, de rebond, etc. comme valeurs de réalisation des individus. Cette idéologie de la primauté de l’individu est même devenu une idéologie dominante, une hégémonie de pensée et de culture, qui ne souffre aucune alternative, encastrée qu’elle est dans un système économique (néo)libéral dominant. Ceux qui en sont critiques ou voudraient s’en écarter (faisant ainsi preuve paradoxalement d’une certaine singularité !) sont tout au contraire voués à être hors système, sortant d’un fameux « cercle de la raison », nouvelle dénomination de la domination.

Dans le même temps, qu’observe-t-on dans le fonctionnement de cette même société ? Derrière le mot d’ordre, injonctif ou suggestif, de singularisation et d’individualisation (des parcours, des droits, des prestations, des situations, etc.), tout le monde doit rentrer dans le même moule, le même modèle de pensée, celui de l’initiative et de la responsabilité individuelles. Avec pour conséquences que lorsque le politique (le commun, le collectif) est censé prendre en charge une population, il postule que chaque individu est responsable de « devenir responsable », de devenir ce qu’il est, de se prendre en charge. La situation des chômeurs par rapport à la recherche d’emploi est exemplaire de cette approche : ils seraient eux-mêmes responsables de leur situation. Et finalement, malgré les discours « modernes », c’est bien le collectif (le politique) qui définit ce qui est bon pour les individus.

Le fonctionnement du secteur médico-social est également exemplaire de cette aporie entre la promotion de l’individu et ce qui lui est imposé de l’extérieur. Les recommandations de bonnes pratiques (dans les milliers de pages qui ont été produites à destination du secteur) promeuvent la primauté de l’accompagnement individuel, tant sur le plan organisationnel que sur le plan des pratiques professionnelles : plateformes de services, statut libéral des professionnels, projets individualisés, autodétermination, participation sociale, respect des droits… Mais sur le terrain, le collectif (l’institutionnel, l’organisation) s’impose, par injonction, par recommandations ou par textes réglementaires, en excluant par ailleurs tout ce qui n’entre pas dans le modèle. Hors des bonnes pratiques formalisées, pas de salut ! Hors des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, pas de salut. Le cadre organisationnel, émanation du collectif politique, génère une forme de bureaucratie verticale contraignant à un fonctionnement standardisé des organisations (allant dans le sens de la décision politique, la plupart du temps non concertée et non réfléchie par les acteurs de terrain), soumis à des normes rigides relevant de préoccupations gestionnaires. Et là où il est demandé aux acteurs de terrains de développer l’autonomie, l’empowerment, la participation des personnes en situation de handicap, on leur impose un cadre de travail de soumission à des recommandations imposées verticalement et à des organisations inspirées des valeurs de l’entreprise privée, comme si celle-ci était le modèle unique de référence.

Télécharger l'article


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire